• Localisation de l'Equateur    

    Début mai 2015, Double Sens m'a permis de découvrir une nouvelle formule de voyage : le tourisme solidaire. Une expérience radicalement différente de tous mes précédents voyages puisqu'il s'agissait de s'immerger deux semaines dans une petite communauté quichua en Equateur et de partager la vie de ses habitants. Une fabuleuse expérience que je ne peux que vous recommander !

    Dans le détail, notre auberge était basée à San Juan, un village rural situé à 55km à l'Est de Cuenca et à 2500m d'altitude. Ne cherchez pas son emplacement sur Google Maps, il n'y est pas (encore) mentionné.

    Localisation de San Juan

    Chaque matin nous rejoignions le centre de mission de Bacpancel, situé près de 2km plus haut. Cette communauté est essentiellement composée de femmes et d'enfants, la plupart des hommes étant partis clandestinement ou non aux Etats-Unis pour gagner de l'argent et en envoyer à leur famille restée au village. Parfois, les deux parents sont partis, laissant leurs enfants aux soins des grands-parents ou d'amis. La solidarité est donc très forte localement.

    Les femmes restées au village sont loin d'être fatalistes et résignées. Elles ont choisi de prendre en main leur destin et de créer une association de femmes artisanes. Elles reçoivent de temps en temps des groupes de Double Sens (8 personnes maximum) pour faire découvrir leur vie quotidienne et leur culture. C'est ainsi que je me suis retrouvé à tresser des paniers en paille toquilla, à tondre des brebis, à participer à un travail communautaire ou à une cérémonie chamanique au coeur des montagnes de l'Azuay. Une découverte plus humaine et culturelle que physique ...

    Tressage de la paja toquilla    Tonte d'un mouton

    Visite d'une exploitation bio    Traite des vaches

    Les après-midi sont quant à eux consacrés à des ateliers d'animation avec les enfants de l'école locale. Âgés de 6 à 14 ans, ils sont tous très curieux, habiles de leurs mains et avides de découvertes et de nouvelles activités. Scoobidous, bracelets loops, cuisine, sport, activité artistiques ou musicales ne sont qu'un échantillon des activités possibles. Et la plus belle récompense s'obtient dans les sourires que vous ne manquerez pas de récolter.

     

    L'école de Bacpancel

    Activités dans une salle de classe    Un atelier dans la cour de récré

    Double Sens... le nom de cette agence de voyage différente est signifiant de lui-même et résume parfaitement ce que j'ai eu la chance de vivre : une immersion véritable et un échange inter-culturel dans une culture très riche, très belle et hors des sentiers battus. A tel point que j'envisage de repartir avec eux l'an prochain pour une nouvelle mission au Bénin.

     

    L'autre avantage de cette agence est que la solidarité ne s'arrête pas forcément au retour. D'anciens voyageurs ont créé l'association Frères de Sens pour continuer à soutenir les communautés rencontrées sur place. Actuellement, un de ses projets est en recherche de financement pour San Juan : il s'agit d'acquérir une machine permettant de finaliser la production de chapeaux panama par la communauté et donc favoriser l'indépendance économiques des femmes de la communauté. Vous souhaitez apporter votre pierre à l'édifice ? Il vous suffit de cliquer sur l'encadré ci-dessous consacré à Frère de Sens / HelloAsso. Je vous assure que votre don sera réellement utile sur place et que les précédents financements (plutôt rares car la destination est méconnue) ont permis l'amélioration du quotidien des habitants.

     

    Pour plus d'informations ...

    Association Freres de Sens | HelloAsso

    Tous bénévoles, nous animons depuis 2008 l'association Frères de Sens pour continuer à soutenir les populations rencontrées lors de nos voyages solidaires en Afrique, Asie et Amérique latine.. Découvrez des nouveaux moyens de soutenir Frères de Sens sur HelloAsso. C'est simple et ouvert à tous. Passez à l'action

    http://www.helloasso.com

     

    Tourisme Solidaire : Voyagez autrement avec Double Sens !

    Échanges & rencontres assurés, retombées économiques partagées En Savoir Plus Dans le respect des traditions, au rythme de la culture locale En Savoir Plus Hors des sentiers battus, dans un esprit de partage et d'aventure En Savoir Plus En petits groupes, pour un tourisme responsable & authentique En Savoir Plus

    http://www.doublesens.fr

     


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  • Localisation de l'île de Java

    Le Gunung Semeru est un volcan situé sur l'île de Java en Indonésie. Il se trouve au coeur du parc national du Bromo-Tengger-Semeru, un des joyaux du pays. Jugez-en par vous-même :

    Lever du jour sur les volcans Batok, Segoro Wedi Lor, Bromo et Semeru depuis le promontoire du Gunung Penanjakan

    Le Gunung Semeru est aussi le point culminant de l'île du haut de ses 3 676m. C'est lui que vous apercevez en arrière-plan au centre de l'image sur la photo ci-dessus.

    Mais son principal intérêt réside dans le fait qu'il est en éruption quasi-permanente depuis 1967. En dehors de quelques phases de suractivité meurtrières, il explose à intervalles réguliers, dégageant un panache de fumée impressionnant pour les novices dont je fais partie, mais sans grand danger pour les personnes des environs.

    Le plus compliqué est finalement de s'y rendre puisque la "Grande Montagne" est située dans une zone un peu reculée de l'île. Il est ainsi probable que vous ayez à emprunter plusieurs moyens de transport pour rejoindre le parc national. Puis il vous faudra ensuite marcher une bonne journée pour arriver au camp de base implanté aux pieds du volcan. Restera enfin la montée au sommet ... et bien sûr la redescente. Comptez au moins deux bonnes journées de marche.

    L'idéal est de commencer la randonnée à Ranupani, un petit village paisible qui s'étale sur les côteaux en contrebas. Celui-ci offre plusieurs possibilités d'hébergement et permet d'accomplir tranquillement les formalités d'enregistrement. Reposez-vous ensuite avant de démarrer l'ascension un matin de préférence. N'oubliez pas de prendre suffisamment d'eau et de vivres, plus des vêtements chauds et de pluie car vous partez en moyenne montagne !

    La partie basse du village de Ranupani

    La rue principale dans la partie basse du village de Ranupani

    La montée s'effectue partiellement dans la forêt. Elle est ponctuée de quelques belvédères sur le volcan et son panache de fumée. Vous entendrez d'ailleurs des grondements réguliers et peut-être, si vous êtes discrets, vous observerez des singes dans les arbres.

    Vue sur le Semeru (3 676m) depuis un sentier forestier du parc national

    Le sentier est bien tracé et il semble difficile de se perdre. La pente est très régulière si bien qu'il n'y a pas vraiment d'autres difficultés que la distance à parcourir.

    Le sentier forestier conduisant au Semeru (3 676m) à travers le parc national

    A la mi-chemin se trouve le lac de Ranu Kumbolo. Le site est superbe. Les eaux émeraudes du lac tranchent avec le vert de la forêt et des collines déboisées environnantes. Tout invite au repos et vous serez peut-être tenté d'y prendre votre pique-nique.

    Le lac de Ranu Kumbolo

    Malheureusement, les bords du lac sont pollués par un nombre incalculable de détritus, ce qui gâche le plaisir. Soyez responsable par pitié et redescendez avec vos déchets regroupés dans un sac !

    Juste après le lac, derrière la cabane, il vous faudra gravir la côte la plus dure de la journée. Elle n'est pas très longue et vous en voyez à tout moment le sommet, donc prenez votre temps. Vous basculerez alors sur un petit plateau dégagé avant de replonger dans la forêt.

    Un petit plateau bordé d'une forêt

    Quelques heures de marche plus tard, vous arriverez au nouveau camp de base, celui d'Arcopodo ayant été détruit. Là encore, vive les détritus. Et bon courage si vous voulez trouver un espace qui en est dépourvu ! Dire que nous sommes dans un parc national...

    Le campement au pied du Semeru (3 676m)

    Quelle que soit l'heure à laquelle vous arriverez, il est fortement conseillé de monter votre camp, de manger quelque chose de chaud et qui "tienne au ventre" (en vue de l'ascension), puis d'aller se coucher. L'ascension se fera en effet de nuit si vous souhaitez observer une mini-éruption dans le cratère ou le lever de soleil le cas échéant.

    Pour l'heure de départ, à vous de voir en fonction de vos capacités physiques et de vos objectifs. Mais, plusieurs éléments sont à prendre en compte :

    - les premières lueurs du jour apparaissent vers 4h environ.

    - le chemin serpente dans un premier temps dans la forêt, puis se poursuit dans les éboulis. La pente est très raide (45°) sur une bonne partie de la montée.

    - les guides locaux déconseillent d'arriver au sommet avant 2 heures de matin à cause du froid mordant.

    - l'activité volcanique est aussi à prendre en considération car les volcans sont bien sûr imprévisibles et parfois meurtrier. Vous recevrez probablement des cendres sur la tête lors de la montée. Vous pouvez prévoir un casque même si celui-ci n'était que facultatif lorsque j'y étais.

    Du sommet, les grondements sont puissants et très réguliers ; la nuit est d'un noir d'encre. Il faut l'expérience des guides pour vous mener vers le cratère et ses projections. Les premières lueurs font froid dans le dos lorsque vous n'avez jamais vu de volcan en activité. Une immense lueur orange apparait au loin dans la nuit. Comme un long éclair...

    Une lueur orange dans la nuit au sommet du Semeru (3 676m)

    Puis tout redevient noir un moment. Et soudain un grondement retentit, de nouvelles projections surgissent et retombent comme un feu d'artifice et tout redevient noir de nouveau.

    Des projections de lave dans la nuit au sommet du Semeru (3 676m)

    Avec l'aide de nos guides locaux très expérimentés, nous avons pu nous rapprocher jusqu'à environ 500 mètres du cratère. Le spectacle était incroyable : un masse de magma très visqueux se gonflait et se dégonflait en laissant échapper d'immenses nuages de fumées sous pression. Une véritable cocotte-minute venue du coeur de notre terre.

    Mini-éruption dans le cratère du Semeru

    Mini-éruption dans le cratère du Semeru

    Le froid est vraiment très vif lorsque vous êtes immobile, en pleine observation. Le vent ne fait qu'accentuer la sensation. Heureusement, le lever du jour vient largement compenser ces désagréments par ses jeux de couleurs.

    Mini-éruption et dégagement de fumées dans le cratère du Semeru

    Lever de soleil observé depuis le cratère du Semeru

    Le fond du cratère se dévoile peu à peu aux regards des curieux. Le décor change du tout au tout. Les abondantes fumées blanches prennent le pas sur la lave incandescente. Pour peu, on ne se croirait pas sur le même volcan.

    Mini-éruption et dégagement de fumées dans le cratère du Semeru

    Après deux bonnes heures d'observation, il ne reste plus qu'à redescendre jusqu'au camp de base d'abord, jusqu'à Ranpani ensuite, voire plus loin encore.

    Le sentier à travers la forêt

    Le campement au pied du Semeru (3 676m)

    Le sentier forestier conduisant au Semeru à travers le parc national


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  • Lundi 25 avril 2011 - Gokyo (4 790m) - Dragnag (4 700m)

    Ce matin, c'est grasse matinée ! Enfin... si on tient compte des heures de lever des jours précédents. Le réveil est en effet fixé à 7h et le départ à 9h. Nous avons donc tout le temps nécessaire pour nous préparer tranquillement. Pourquoi tant de délicates attentions ? Tout simplement parce que la journée s'annonce assez courte avant de nous confronter demain à la deuxième difficulté de notre trek : le Cho La Pass.

    Il faut préciser que les deux prochains jours s'annoncent décisifs pour la poursuite normale du trek. Nous devons en effet franchir coûte que coûte le Cho La Pass demain matin, un col situé à 5 368m d'altitude. Pourquoi ? Parce qu'en cas de non franchissement de cette barrière montagneuse, nous devrons faire un immense détour pour rallier le camp de base de l'Everest. Le Cho La Pass est le chemin d'accès le plus direct depuis Gokyo. Il devrait nous permettre d'atteindre Gorak Shep, en dessous du camp de base de l'Everest, d'ici 3 jours. 3 jours de randonnées en hautes montagnes, dans des endroits extrêmement reculés et peu fréquentés, mais riches en émotions.

    Mais revenons au commencement. La journée commence sous les meilleurs auspices dans notre lodge de Gokyo. Un soleil radieux brille dans un ciel bleu dépourvu de nuages. Disposant d'un peu de temps libre avant le départ de la randonnée, je décide de monter avec un autre membre du groupe sur la moraine au-dessus du village. De là haut, nous avons une superbe vue panoramique à 360°. Nous apercevons tour à tour la langue terminale du glacier Ngozumba que nous traverserons tout à l'heure, le Cho Oyu (un sommet de 8 153m d'altitude séparant le Népal de la Chine), le Gokyo Ri dont nous avons fait l'ascension hier matin et le lac Dudh Pokhari au pied du lodge.

    Le glacier Ngozumba et sa moraine latérale avec des drapeaux à prière    Le glacier Ngozumba, sa moraine latérale et le Cho Oyu (8153m) au fond

    Le Gokyo Ri (5357m)    Vue sur le village de Gokyo (4790m) et le lac Dudh Pokhari (4750m)

    Notre convoi s'ébranle un peu avant 9h avec Dorje, notre guide, à sa tête. Pasang le siddar et Kazi l'assistant guide sont également de la partie comme les autres jours. Nous commençons par monter lentement sur la moraine. En chemin, un coup d'oeil en arrière me permet de voir le village de Gokyo s'éloigner. Dans mon champ de vision se trouvent également le Gokyo Ri et le Cho Oyu que nous venons de présenter. Une page de notre séjour est en train de se refermer.

    Vue sur le village de Gokyo (4790m), le lac Dudh Pokhari (4750m), le Gokyo Ri (5357m) et le Cho Oyu (8153m) au fond

    Dorje, Pasang et Kazi se mettent à la recherche du meilleur passage pour descendre sur la langue terminale du glacier Ngozumba. Les pentes de la moraine sont en effet très friables et connaissent des éboulis assez fréquents, le plus souvent mineurs. La faute à la langue du glacier qui peut se déplacer à tout moment de manière imperceptible ou plus brusque. Il faut rappeler qu'un glacier se caractérise par une masse incroyable qui s'appuie, frotte et fait pression sur les flancs de la montagne. La plupart des glaciers tendent donc à glisser sous l'effet de leur propre poids et arrachent tout sur leur passage y compris d'énormes blocs de pierre.

    Il s'agit par conséquent d'être prudent  lors de la brève descente de la moraine sous peine de faire une chute de quelques mètres. Heureusement, nos anges gardiens veillent.

    Le glacier Ngozumba, sa moraine latérale, le Gokyo Ri (5357m) et le Cho Oyu (8153m) au fond

    9h30 : ça y est, nous sommes de plein pied sur la langue du glacier Ngozumba. Celle-ci se révèle extrêmement minérale et austère, le sol étant jonché de cailloux, de blocs de pierre et de rochers de toutes les tailles. Des collines de pierres (et de glace) se dressent devant nous et illustrent le descriptif que nous venons de faire sur les glaciers.

    Nous poursuivons notre fuite en avant en grimpant sur une première colline. C'est dans ce contexte que nous sommes déjà rattrapés et dépassés par nos souriants porteurs sherpas.

    Ansering sur le glacier Ngozumba

    Plus nous avançons, plus le paysage devient insolite. Nous nous retrouvons isolés au milieu d'un désert de pierres et de glace vallonné qui fuit sur notre droite comme sur notre gauche. Nous apercevons de temps à autre une des moraines latérales (devant ou derrière nous) sans pouvoir évaluer précisément la distance qui nous en sépare. Le tableau est édifiant : comme nous pouvons paraître fragiles voire insignifiants dans ce milieu très particulier ! La moindre chute de pierre pourrait mettre un terme au périple de quiconque se trouve sur son chemin. Nous ne sommes pas pour autant des insouciants ou des casse-cous : notre guide connait parfaitement le chemin à emprunter et les zones dangereuses. Et puis des centaines de touristes et de locaux empruntent ce chemin cette année sans rencontrer le moindre problème.

    Le glacier Ngozumba et le Cho Oyu (8153m) lors de la traversée entre Gokyo (4790m) et Dragnag (4700m)    Le groupe sur le glacier Ngozumba lors de la traversée entre Gokyo (4790m) et Dragnag (4700m)

    Sommets et moraine au bord du glacier Ngozumba lors de la traversée entre Gokyo (4790m) et Dragnag (4700m)

    10h : nous effectuons une petite halte pour admirer de petits lacs glaciaires totalement givrés. Dorje nous donne quelques explications que j'ai oublié de noter. Puis, nous repartons pour une bonne demi-heure de marche.

    Un lac gelé sur le glacier Ngozumba lors de la traversée entre Gokyo (4790m) et Dragnag (4700m)

    10h30 : Nous touchons au but. Nous sommes à présent entourés de deux moraines, l'une sur notre droite, l'autre sur notre gauche. Nous cheminons dans une espèce de couloir et le sentier commence à s'incliner doucement.

    Le glacier Ngozumba et le Gokyo Ri (5357m) lors de la traversée entre Gokyo (4790m) et Dragnag (4700m)

    Il nous faut 10 minutes supplémentaires pour rejoindre le bord supérieur de la moraine. Les derniers mètres sont les plus difficiles (mais très abordables) à cause de la pente plus raide et de nos pieds qui glissent sur les éboulis. Nous pouvons alors mesurer le chemin parcouru depuis notre départ ce matin.

    Le glacier Ngozumba et le Gokyo Ri (5357m) à proximité de Dragnag (4700m)

    Après un quart d'heure de pause pour admirer le paysage, nous reprenons notre cheminement pour rallier Dragnag. Nous y parvenons vers 11h25 et découvrons un hameau blotti au creux de plusieurs collines. Il comporte plusieurs lodges et habitations séparés les uns des autres par les désormais traditionnels murets de pierre. Le village est quasiment désert si l'on fait abstraction de quelques yaks qui broutent ici ou là. On se sent vraiment dans un endroit très isolé, loin des centres urbains.

    Arrivée à Dragnag (4700m)    Le village de Dragnag (4700m), un yak et le sentier conduisant au Cho La Pass

    Nous rallions directement notre lodge et pénétrons dans la salle commune qui présente exactement la même configuration que celle des jours précédents. Tandis que nous prenons place autour d'une table et discutons du chemin parcouru, Pasang nous prépare un citron chaud pour nous ré-hydrater. Ce sera aussi notre apéro puisque le repas suit peu de temps après.

    Les fenêtres du lodge nous permettent de garder un oeil sur l'extérieur. Un yak semble particulièrement curieux à notre encontre et n'hésite pas à se rapprocher progressivement de notre fenêtre. Puis, aux alentours de 12h10, la neige commence à tomber. Quelques flocons dans un premier temps, puis le flot devient plus dense.

    Un yak dans le village de Dragnag    Chutes de neige sur le village de Dragnag (4700m)

    Le repas avalé, nous prenons possession de nos chambres. Nous avons quartier libre cet après-midi. Je me repose un peu, lit un petit moment dans la salle commune et, quand le temps commmence à s'éclaircir, je décide de sortir m'aérer un peu.

    Il n'est pas encore 14h. Je choisis de suivre le chemin que nous emprunterons demain matin pour rejoindre le Cho La Pass. Je me sens en pleine forme et grimper un peu plus haut me permettra de parfaire mon acclimatation et donc de mieux dormir ce soir. Je m'engouffre dans une espèce de gouttière où coule une petite rivière presque totalement gelée. Très vite le lodge disparait derrière un repli du terrain et je me retrouve seul. Le paysage est austère, désertique tout autour de moi. Point de silence pourtant, mais le bruit du vent et de l'eau qui s'écoule sur ma droite.

    Montée vers Cho La Pass depuis Dragnag et vue sur le pied du Chadoten (5065m)    Montée vers Cho La Pass depuis Dragnag

    Le chemin est bien tracé et j'ai l'impression de progresser assez vite. Malheureusement, les nuages s'amoncellent peu à peu en amont de ma position et commencent à descendre vers la vallée. Une fine bruine les accompagne. Je décide de rebrousser chemin, conscient des dangers que la montagne fait courir aux imprudents.

    Sur le chemin du retour, je prends pourtant le temps d'observer tout ce qui m'entoure et notamment les sculptures de glace. Elles sont la résultante d'un processus lent mais constant et prennent des formes variées en fonction des contraintes exogènes (relief, vent, ...).

    Stalagtites dans la rivière longeant le chemin vers le Cho La Pass    Cascade de glace à proximité du chemin vers le Cho La Pass

    En cours de descente, je traverse la rivière et suit les sentes tracées vraisemblablement par les yaks. Elles me conduisent jusqu'au village que je traverse intégralement. Le temps étant meilleur ici, je décide en effet de rejoindre la moraine à une centaine de mètres. Une nouvelle petite grimpette récompensée par une nouvelle vue sur la langue terminale du glacier Ngozumba.

    Vue sur le glacier Ngozumba, ses lacs et lacs glaciaires depuis la moraine    Vue sur le glacier Ngozumba, ses lacs et lacs glaciaires depuis la moraine

    Cet amas de pierres et de glace est décidément impressionnant. Plein de contrastes aussi : le blanc immaculé de la glace et le gris minéral des roches et des pierres, la force brute qui ressort de cette accumulation de pierres et la fragilité qui se perçoit au travers de l'érosion des pentes de la moraine, ...

    De l'autre côté, la vue sur le village de Dragnag vaut tout autant le coup car elle vient confirmer ce sentiment d'isolement et de solitude. Comment des êtres humains peuvent-ils choisir de s'installer ici, loin de tout confort et de conditions de vie plus faciles ? Pourquoi à cet endroit précis ?

    Vue sur le village de Dragnag (4700m) et ses environs depuis la moraine

    Je reste assis au sommet de ce mirador matérialisé par un cairn une bonne demie-heure, livré à mes réflexions. Puis je regagne lentement le lodge où je parviens à 16h. Je reprends ma lecture et la rédaction de mon carnet de voyage. L'après-midi se termine par des parties de Uno qui durent jusqu'au repas pris assez tôt. Nous nous couchons en effet de bonne heure étant donné que la journée de demain sera longue. Dorje aura le dernier mot avec le briefing de l'étape à venir. Bonne nuit !

     

    Mardi 26 avril 2011 : Dragnag (4 700m) - Dzongla (4 840m)

    Notre lever a été fixé hier soir à 4h45 du matin pour un départ effectif une heure plus tard. La consigne est respectée à la lettre et nos sacs sont rapidement prêts sachant que nous avons eu toute l'après-midi d'hier pour nous préparer. Nous amorçons ce matin notre 11ème journée de voyage en tenant compte du vol international, et notre 9ème journée de marche depuis le début de ce trek. Tous les membres du groupe semblent bien se porter et physiquement capables de continuer notre périple. Tant mieux puisque cette journée s'annonce déterminante pour la suite avec le franchissement d'un col à plus de 5 400m d'altitude.

    5h45 : Lorsque nous quittons le lodge, la nuit a déjà cédé la place à un très beau ciel bleu. La vallée dans laquelle nous nous trouvons reste néanmoins temporairement baignée dans la pénombre étant donné que le soleil n'a pas encore franchi les sommets vers lesquels nous nous dirigeons. Nous commençons d'emblée l'ascension qui va nous conduire vers le col de Cho La. Pendant quelques minutes, je retrouve le chemin emprunté seul hier après midi.

    Montée vers Cho La Pass depuis Dragnag (ascension vers le 1er col) et vue sur le Chadoten (5065m) et le Kyajo Ri (6186m) 

    Je me trouve conforté dans les images que j'ai gardées de ma courte balade d'hier : nous évoluons dans une sorte de "gouttière" assez austère car très minérale. Tout autour de nous, il n'y a quasiment que des éboulis et de la poussière. Heureusement, une petite rivière se fraye un chemin au centre de la "gouttière" et l'écoulement de l'eau produit un bruit apaisant et rassurant au milieu de cette nature morte. Pour compléter le tableau, il faut mentionner les quelques névés résiduels et les portions de rivière gelée qui rappellent que nous sommes en haute altitude.

    Montée vers Cho La Pass depuis Dragnag (ascension vers le 1er col) 

    6h45 : nous avançons très lentement en suivant le rythme dicté par Dorje et Kaji. Malgré notre bonne acclimatation, il ne faut pas presser le pas afin de se prémunir contre un possible mal d'altitude lors de l'ascension du col tout à l'heure. La montée est par ailleurs ininterrompue depuis le départ. Bien qu'elle soit très progressive et régulière, il faut donc doser son effort aussi minime soit-il pour le moment. Nous avons pleinement le temps de contempler le paysage qui nous entoure. Je focalise mon attention sur la course du soleil qui illumine maintenant le fond de la vallée. Sur notre gauche, les ombres des montagnes sont apparues et se rapprochent de plus en plus de nous. Le soleil ne devrait pas tarder à émerger sur notre droite et à réchauffer l'atmosphère.

    Montée vers Cho La Pass depuis Dragnag (ascension vers le 1er col) 

    Nous atteignons un léger replat peu avant 7h. Nous apercevons de là la fin de la première montée de la journée. Nous nous engageons sur un névé et marquons une petite pause. J'en profite pour discuter avec Pasang qui m'explique que des panthères des neiges ont déjà été aperçues dans la région. Il est cependant très rare d'apercevoir cet animal solitaire.

    Montée vers Cho La Pass depuis Dragnag (ascension vers le 1er col)    Kaji et le groupe dans la montée vers Cho La Pass depuis Dragnag (ascension vers le 1er col)

    7h30 : le 1er col de la journée n'est plus très loin. En me retournant, je peux apprécier le chemin parcouru depuis ce matin : la langue terminale du glacier Ngozumba se devine tout au fond de la vallée et notre lodge était situé entre elle et le début du sentier que nous empruntons maintenant. Ce sont néanmoins les deux sublimes sommets enneigés sur notre droite qui attire toute mon attention. Quelle majesté ! Leur masse imposante, la puissance qu'ils dégagent, leur blancheur forcent l'admiration et déclenchent immédiatement une sensation d'humilité. De sérénité aussi, ces colosses apparaissant bienveillants sous le soleil de début de journée.

    La partie finale de la montée vers le 1er col du Cho La Pass depuis Dragnag    Vue sur deux sommets enneigés depuis le 1er col de la montée vers Cho La Pass

    Au bout du chemin, la pente s'inverse brusquement et dévoile une nouvelle haute vallée avec en arrière-plan une nouvelle barrière montagneuse. Nous sommes arrivés au premier col et sommes accueillis par un crâne de yak plein d'inscriptions. Nos porteurs font une pause, nous aussi. Dorje nous indique le Cho La Pass en face de nous (le passage en creux sous les nuages et au-dessus de la corne droite du yak, légèrement en diagonale) et le chemin qui y mène. Les nuages sont bas et menaçants mais nous devrions pouvoir passer. Une chose est sûre, l'ascension se fera par contre les pieds dans la neige et dans les éboulis.

    Le 1er col de la montée du Cho La Pass et vue sur la deuxième partie de l'ascension 

    8h : cela fait 2h15 que nous sommes partis mais c'est maintenant que commence véritablement notre étape. Une question trotte dans ma tête : l'ensemble du groupe arrivera-t-il là haut ou certains de nous devront-ils faire l'énorme détour pour contourner le col ? Je suis plutôt confiant face à l'expérience de nos amis népalais.

    La descente du 1er col est très rapide car dégagée et bien balisée. Nous sommes presque sur une autoroute. Plus nous avançons, plus la barrière montagneuse se dresse à la verticale. L'obstacle est réellement impressionnant, mais le défi à relever s'annonce excitant et passionnant.

    Le groupe cheminant vers le Cho La Pass (5368m)

    Le marcheur n'a pas une minute de répit, ses sens étant sollicités en permanence. Plein de petits détails attirent mon attention : le silence rompu seulement par le bruit du vent et le gazouilli d'un petit moineau, nos porteurs qui réalisent un exploit à mes yeux (ils portent environ 40 kilos sur tous les chemins avec seulement des baskets ordinaires), la transition brutale entre le chemin de terre et la zone d'éboulis, Pasang qui dépose discrètement une pierre sur un cairn (un geste universel !), le fond de la vallée qui fuit vers le lointain, ... A cela, il faut rajouter que nous progressons vers l'inconnu : chaque repli de terrain dévoile un nouvel angle de vue sur le paysage dans lequel nous évoluons. Qu'y a-t-il en haut et derrière le Cho La Pass ? Cela reste un mystère pour l'instant, mais un mystère fascinant.

    Nos 3 porteurs gravissant le pierrier au pied du Cho La Pass (5368m)    Un moineau bien téméraire

    Pasang sur le pierrier au pied du Cho La Pass (5368m)    Vue sur le pierrier s'étalant au pied du Cho La Pass (5368m) en direction de la vallée

    8h45 : c'est le début de l'ascension. Il n'aura plus que de la montée dorénavant. L'objectif semble tout proche mais ce ne sont que des apparences. Nous avons repéré plusieurs groupes de trekkeurs en amont de nous et tous ont la taille de fourmis. Leur progression est extrêmement lente, signe de la difficulté relative de l'ascension. Il faut dire que la neige verglacée par endroit ne nous facilite pas la tâche.

    Début de l'ascension du Cho La Pass (5368m) 

    Le temps est comme suspendu. Tout semble bouger au ralenti, nous y compris. Nous sommes bien loin du rythme trépidant de la vie parisienne. Chaque pas nous rapproche cependant de l'objectif final. On ne peut pas dire que l'exercice soit difficile mais il nécessite une vigilance permanente. La marche au milieu des éboulis peut rapidement conduire à la faute si l'on ne fait pas attention.

    9h08 : Nous découvrons sur notre gauche le fond de la vallée que nous avons traversée il y a quelques dizaines de minutes. Celui-ci est tout aussi pierreux mais pratiquement plat vu d'ici. Cela fait plusieurs jours que nous n'avons pas eu l'occasion de voir une aussi grande "esplanade". En attendant, le pied de la montée finale approche. On discerne bien désormais les silhouettes des trekkeurs qui nous précédent.

    La montée vers le Cho La Pass (5368m)    Panorama sur les environs depuis la montée vers le Cho La Pass (5368m)

    Début de l'ascension du Cho La Pass (5368m)

    9h17 : nous nous retrouvons au pied du mur. J'ai encore plein d'énergie, mon souffle et mon rythme cardiaque semblent bons compte tenu l'altitude, et Dorje avance à un rythme qui me convient parfaitement. Tous les voyants sont donc au vert de mon côté. Quelques membres du groupe semblent un peu plus fatigués mais progressent vaillamment.

    L'ascension du Cho La Pass (5368m)

    9h30 : l'ascension se poursuit. La pente est devenue impressionnante depuis quelques mètres. Je serai curieux de connaître le dénivelé à cet endroit précis. En tout cas, je suis heureux de pouvoir prendre appui sur mes bâtons de marche car la neige du chemin est tassée et les risques de dérapage sont maximum. L'adhérence des chaussures de randonnées a ses limites.

    L'ascension du Cho La Pass (5368m)

    9h55 : nous avons parcouru la moitié du chemin (sans doute un peu plus), et le mur est maintenant derrière nous. La pente vient en effet de se radoucir et notre champ de vision se dégage. Nous nous sommes rapprochés du groupe qui nous précédait. Le col semble surtout à portée de vue ... à moins que ce ne soit qu'une illusion. Je me sens toujours en pleine forme grâce au rythme adéquat et aux conseils de Dorje et Pasang. Nous effectuons aussi des pauses régulières pour nous reposer, admirer un peu le panorama et immortaliser le paysage.

    L'ascension du Cho La Pass (5368m)

    Sangay et Ansering, deux de nos jeunes porteurs, sont redescendus à notre hauteur pour assister nos compagnons qui ferment la marche. Non pas qu'ils soient fatigués, mais le souffle leur manque d'après leur témoignage. Ce n'est guère étonnant sachant qu'à plus de 5 000m d'altitude, l'air contient près de deux fois moins d'oxygène qu'au niveau de la mer. Chaque effort se heurte donc à nos capacités pulmonaires limitées. Et puis, c'est comme partout : il y a des jours avec et des jours sans. Certains jours, vous enchainez les kilomètres sans vous en apercevoir alors que d'autres vous devez lutter contre vous mêmes pour mettre un pied devant l'autre. Heureusement nos anges gardiens veillent...

    Sangay nous attend lors de l'ascension du Cho La Pass (5368m) 

    10h15 : nous touchons au but et marquons un ultime arrêt pour admirer le panorama montagneux qui s'étend sous nos yeux. Dans mon esprit, nous sommes encore pour quelques instants dans la région de Gokyo, puis nous allons basculer vers la région de l'Everest juste après le col. Une page se tourne, une nouvelle est à écrire. Nous sommes à une période de transition.

    Panorama sur les environs lors de la montée vers le Cho La Pass (5368m)    Panorama sur les environs lors de la montée vers le Cho La Pass (5368m)

    10h20 : Nous atteignons le col de Cho La Pass dont nous avons tant parlé depuis deux jours. Nous sommes à 5 368m, soit près de 500m au-dessus du Mont-Blanc.

    Le sommet du Cho La Pass (5368m)

    Je découvre un paysage insoupçonné et inédit pour le jeune voyageur que je suis. Sur ma gauche et ma droite s'élèvent deux hauts sommets saupoudrés de neige et de glace. Le col n'est en effet qu'un passage au milieu d'une haute chaîne montagneuse, presque le point le plus bas. Je m'étais imaginé un haut sommet arrondi et balayé par des vents violents faisant flotter des drapeaux à prières. Sous mes yeux, en face de moi, je découvre un glacier colossal et immaculé. Il occupe le fond de ce que je crois être un cirque. C'est le chemin que nous allons emprunter pour redescendre dans la nouvelle vallée, mais ça je l'ignore encore.

    Panorama depuis le Cho La Pass (5368m)    Panorama depuis le Cho La Pass (5368m)

    Le glacier au sommet du Cho La Pass (5368m)

    Lors de notre court séjour à Namche Bazar, C., la seule femme du groupe, et moi-même avons chacun acheté un lot de petits drapeaux à prières népalais. Il s'agit de petits morceaux de tissus rectangulaires et colorés, reliés entre eux par groupe de cinq à l'aide d'un fil. Dans tous les lots, les cinq drapeaux portent cinq couleurs différentes toujours rangées dans le même ordre : le bleu (symbole du ciel), le blanc (symbole de l'air et des nuages), le rouge (symbole du feu), le vert (symbole de l'eau) et enfin le jaune (symbole de la terre). Chaque lot doit ensuite être accroché aux autres pour constituer au final une bande de plusieurs mètres de long. Ajoutons que chaque drapeau est imprimé, comme son nom l'indique, de prières bouddhiques dont l'incontournable mantra sacré "Om Mani Padmé Hum".

    Nous avons acheté ces drapeaux à prières avec pour objectif de les déposer au faîte de l'un des cinq sommets que nous envisagions d'atteindre. Cela fait maintenant plusieurs jours que j'ai décidé de déployer les miens ici même. Le Cho La Pass est en effet situé sur une route beaucoup moins fréquentée que les 4 autres sommets de notre trek. Il apparait donc à mes yeux plus reculé, plus naturel, plus "brut", plus proche de l'idée que je me fais de l'Himalaya. La neige et le vent qui souffle me confortent dans ma décision que c'est le bon endroit.

    Les drapeaux à prières ont la même fonctionnalité que les moulins à prières, à savoir : réciter des prières pour accumuler des mérites en vue de la réincarnation. Dorje nous a expliqué qu'en nouant des drapeaux à prières au sommet d'une montagne, ceux-ci sont normalement agités par le vent. Or lorsque les drapeaux flottent au vent, les prières qu'ils comportent se trouvent récitées au profit de ceux qui ne peuvent se déplacer jusqu'ici. Je ne suis pas bouddhiste, mais en tant que catholique et citoyen du monde, je suis sensible à cette démarche de réaliser une action au profit d'autres personnes moins favorisées.

    Je souhaite également accrocher les drapeaux à prières ici car ce col est le seul point de passage obligé de notre circuit. Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, si nous n'avions pas pu atteindre ce point de basculement entre deux vallées, notre programme initial en aurait été fortement chamboulé. Je souhaite donc marquer notre passage, notre ascension réussie et surtout adresser des remerciements. Remerciements à la Nature qui nous a permis de grimper jusqu'ici, remerciements à notre formidable équipe de guides et porteurs sans qui nous n'aurions jamais réussi l'ascension, à mes compagnons de voyage qui ont, pour certains, pris sur eux-mêmes pour avancer.

    Pour le remercier et exprimer mon respect à l'égard de sa culture sherpa, je décide de confier à Pasang le soin de fixer les drapeaux à prières. Je sors ceux-ci de mon sac et en assemble une partie (l'autre incombant à Pasang lui-même). Involontairement, je commets une erreur dans l'enchaînement des couleurs mais je ne m'en apercevrai que trop tard. Je demande ensuite Pasang de suspendre les drapeaux et de m'expliquer ce qu'il fait. Nous grimpons quelques mètres au-dessus du col et Pasang commence à accrocher une des extrémités à un robuste cairn. Ce faisant, il psalmodie une prière appropriée. Il tend le filin le plus possible et accroche l'autre extrémité à un autre drapeau à prières. La "cérémonie" est achevée et l'"ouvrage" peut remplir son office.

    Pasang installe mon drapeau à prière au sommet du Cho La Pass (5368m)    Pasang installe mon drapeau à prière au sommet du Cho La Pass (5368m)

    10h40 : la pause destinée à récupérer, se réhydrater et se restaurer touche à sa fin. L'équipe népalaise discute de la seconde partie de l'étape. Pasang et Chopel donnent leurs derniers ordres et conseils aux plus jeunes, qui partent cinq minutes plus tard. Leur progression sur le glacier constitue une scène magique car presque irréelle. On se croirait dans un film. D'autant plus que des flocons de neige commencent à tomber de manière éparse.

    Notre équipe népalaise au sommet du Cho La Pass (5368m)    Nos porteurs traversant le glacier au sommet du Cho La Pass (5368m)

    A peine ont-ils disparu que nous leur emboitons le pas. Il faut d'abord descendre une petite falaise haute de quelques mètres. Impossible de sauter car nous risquons fortement de nous faire mal. Nous pouvons compter sur une étroite corniche où il y a tout juste de la place pour placer nos deux pieds. Nous prenons appui sur la paroi et mettons un pied devant l'autre. Il nous faut 8 minutes pour tous passer. J'avoue que j'ai un peu ralenti notre troupe sur la partie supérieure.

    Préparatifs pour la traversée du glacier au sommet du Cho La Pass (5368m)    Première difficulté dans la descente du Cho La Pass (5368m)

    10h55 : nous reprenons la marche et commençons par traverser le glacier. Les chutes de neiges s'étant intensifiées, l'ambiance est féérique. Nous progressons ainsi, plongés dans nos pensées, pendant une quinzaine de minutes. Nous nous dirigeons progressivement vers un petit goulot qui descend vers la nouvelle vallée où nous passerons la nuit.

    Traversée du glacier du Cho La Pass sur la route vers Dzonglha    Traversée du glacier du Cho La Pass sur la route vers Dzonglha

    Traversée du glacier du Cho La Pass sur la route vers Dzonglha 

    11h15 : la pente commence à s'incliner, des vallons à se former. Sur notre gauche, le glacier décroche brusquement, ce qui nous permet de nous faire une idée de sa hauteur. Nous continuons d'avancer en file indienne, en prenant soin de nous appuyer sur nos bâtons pour ne pas déraper.

    Le glacier du Cho La Pass sur la route vers Dzonglha

    11h21 : nous débouchons sur un joli promontoire qui nous offre un très beau panorama montagneux. Nous y croisons un groupe de jeunes russes qui font apparemment du camping. Dorje nous explique que nous devons encore marcher une bonne heure avant d'arriver au lodge et que nous devrons redescendre presque en bas de cette vallée demain pour récupérer la Everest Highway. Celle-ci nous conduira au pied du toit du monde en un peu moins d'une journée.

    Petite halte sur la route vers Dzonglha    Une vallée à traverser lors de la descente vers Dzonglha depuis le Cho La Pass

    11h45 : Nous évoluons avec les Russes dans un couloir pierreux à fort dénivelé. Nous restons au maximum en file indienne et sur nos gardes pour éviter tout faux mouvement. Nous sommes en revanche contraints de dépasser les Russes qui sont génés dans leurs mouvements par leurs affaires volumineuses (leurs tentes notamment). Parfois, il est aussi nécessaire de poser les mains et les fesses par terre lorsqu'un rocher entrave la voie. Mieux vaut ne pas sauter afin d'éviter toute blessure stupide.

    La descente vers Dzonglha depuis le Cho La Pass

    12h05 : Au fil de nos pas, le paysage change sensiblement. La neige ne tient plus sur le sol malgré les fortes chutes à certains moments. L'herbe refait aussi son apparition. Avec elle, c'est la vie qui reprend le dessus sur le monde de pierres, de roches et de glace que nous avons traversé. Nous touchons au but et cela se sent.

    La descente vers Dzonglha depuis le Cho La Pass    La descente vers Dzonglha depuis le Cho La Pass

    La descente vers Dzonglha depuis le Cho La Pass

    Soudain, la neige se remet à tomber, drue. La visibilité se réduit considérablement et nous rallions ainsi le lodge sous les bourrasques. Nous y parvenons vers 13h; le mauvais temps va persister toute l'après-midi. Pasang commence par nous servir sa boisson chaude citronnée pendant que Dorje procède à la distribution des chambres. La chambre dont nous écopons (comme toutes les autres) est pour le moins sommaire : cinq plaques de contreplaqué en incluant le plafond. Il y fait froid, très froid : de la buée sort en permanence de notre bouche. Il y fait aussi sombre et il n'y a pas d'eau. Je ne suis d'habitude pas difficile et exigeant sur le logement, mais cette fois-ci je trouve que le lodge est vraiment déprimant. J'aurais même préféré dormir sous la tente, c'est dire. Le déjeuner passe très rapidement si bien que nous avons une bonne partie de l'après-midi de libre. Je reste dans la salle commune pour échapper à la tristesse de la chambre mais je trouve que les autres randonneurs ont tous, à quelques exceptions près, la mine plus patibulaire les uns que les autres. L'ambiance me semble moins détendue que les autres jours, l'accueil moins chaleureux et plus impersonnel. C'est dans ce contexte que l'après-midi s'écoule beaucoup trop rapidement à mon goût.

    Tous les membres du groupe me rejoignent vers 18h pour une courte séance de Uno suivie du repas. Tous partagent la même impression que moi sur l'atmosphère bizarre. Nous filons vite nous coucher dans nos sacs de couchage. C'est l'heure du bilan : la matinée a été aussi belle et appréciable que l'après-midi est à oublier. Vivement demain pour de nouvelles aventures...


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  • Drapeau européen

    Le 1er juillet dernier, la Croatie devenait le 28ème état-membre de l'Union Européenne, dix années après avoir formulé sa demande d'adhésion. Pour marquer cet évènement historique, il me semblait donc tout naturel de consacrer un article à ce nouvel état-membre.

    Quelques généralités qui ne font pas de mal...

    D'une superficie totale de 56 594 km², la Croatie est un pays du sud-est de l'Europe ayant appartenu à l'ancienne Yougoslavie pendant plus de 70 ans, avant d'accéder à son indépendance en 1991. Son territoire a la forme d'un croissant encadré par la mer Adriatique à l'Ouest, par le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie à l'Est, par la Hongrie et la Slovénie au Nord.

    Localisation de la Croatie

    Cette république parlementaire possède une façade maritime quasi-continue de 6 278 km et exerce de fait sa souveraineté sur 1 244 îles, ilôts, écueils et récifs. Surnommée le "pays des mille îles", la Croatie bénéficie également d'un patrimoine naturel et culturel très riche dont certains éléments sont inscrits sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco !

    Quelques sites d'intérêt majeurs ...

    Impossible de dresser ici une liste exhaustive des perles croates. Je me limiterais donc à quelques sites incontournables que j'ai eu la chance de visiter il y a un peu plus d'un an.

     

    Zagreb

    La Croatie, c'est d'abord une capitale : Zagreb et ses 792 875 habitants. Centre politique, économique, commercial et culturel, la ville a su se préserver du gigantisme de certaines de ses consoeurs européennes sans sacrifier aux caractéristiques incontournables d'une véritable capitale : un centre historique, des monuments variés, des infrastructures touristiques en nombre et un bon réseau de transports. Une demie-journée permet de se faire une première idée de cette cité largement méconnue.

    Pavillon des arts et monument au roi Tomislav - Place (Trg) Kralja Tomislava    Théâtre National Croate - Trg Maršala Tita

    La rue Ivana Tkalčića devant une église    La place du marché - Dolac

    Parmi les lieux incontournables, citons :

    - l'église Saint-Marc et son toit de tuiles vernissées posées en 1880. Signalons également son clocher à bulbe typique d'Europe Centrale et son portail finement ouvragé et polychrome. L'édifice religieux est situé sur une petite place dans les hauteurs de la ville et cotoie le Parlement et la Présidence.

    L'église St-Marc et son toit de tuiles vernissées sur la place homonyme

    - la Tour Lotrščak, tour médiévale du XIIIème siècle. Elle est un des vestiges de l'ancienne fortification de la cité et serait même le mieux conservé. Elle surplombe la ville et offre une vue panoramique sur celle-ci même si vous vous trouvez à son pied. Un coup de canon est tiré ici tous les jours à midi.

    La Tour Lotrščak

    - le marché quotidien de Dolac (une photo de celui-ci est présentée plus haut). N'hésitez pas à flaner dans ses allées pour repérer les spécialités locales et profitez-en éventuellement pour acheter quelques provisions. Fraicheur garantie.

    - la cathédrale de Zagreb dans le quartier du Kaptol. De style gothique, elle est entourée d'un rempart défensif et de tours qui permettaient d'assurer sa protection lors des invasions turques. A l'intérieur, levez la tête pour contempler les magnifiques voûtes et contournez la nef centrale par les allées latérales (en dehors des heures de messe).

    La Cathédrale et le Kaptol    Une tour et le rempart au pied de la Cathédrale

    Les voûtes et les piliers de la nef principale de la Cathédrale    La nef principale et le choeur de la Cathédrale

    - la forteresse de Medvedgrad dans les collines au nord de la ville. Pour vous y rendre depuis le centre-ville, vous traverserez un bois ainsi que le quartier cosy des ambassades.

    La forteresse de Medvedgrad

    Et n'oubliez pas de vous écarter des circuits touristiques traditionnels pour prendre le pouls de la capitale croate.

    L'avenue Frana Krste Frankopanska    Nikola Šubić Zrinski Square

     

    Le Parc National de Plitvice Jezera

    Le Parc National de Plitvice Jezera, plus ancien parc du pays, est situé au sud de Zagreb et de Karlovac sur la route conduisant vers Zadar. Il est facilement accessible en voiture ou en transport en commun au départ de ces différentes villes.

    Ce site est inscrit au Patrimoine naturel mondial de l'UNESCO pour ses splendides plans d'eau, lacs et cascades. Je vous conseille vivement d'y passer une bonne journée pour avoir le temps de parcourir ses différents sentiers et de contempler ses incroyables points de vue.

    Cascades sur le lac Gradinsko    Cascades tombant dans le lac Gradinsko

    La grande cascade et les lacs inférieurs vus depuis l'entrée 1    Petites cascades à hauteur du lac Kaluderovac

    Le prix d'entrée peut se révéler assez cher surtout en haute saison mais il comprend des vouchers pour 3 trajets : un en bac, un autre en bateau à moteur, le dernier en petit train sur pneus. Grâce à eux, vous éviterez plusieurs kilomètres de randonnée et gagnerez de précieuses heures pour explorer les principaux centres d'intérêt du site. Vous pouvez bien entendu aussi choisir de tout explorer à pied mais prévoyez du temps dans ce cas-là. Terminons en signalant que le prix "élevé" contribue aussi à la préservation du site. Un geste citoyen donc.

     

    Split

    Connue dans le monde entier et inscrite au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, Split est une des grandes villes historiques de la Dalmatie. Fondée sous l'empeureur romain Dioclétien entre 295 et 305, elle connut par la suite une histoire mouvementée avec les invasions barbares, la domination byzantine, puis vénitienne. Elle fut rattachée à l'empire d'Autriche aux environs des années 1800 - a connu une brève parenthèse napoléonienne - avant d'être rattachée à la Yougoslavie à la fin de la Première Guerre Mondiale. Elle ne devint croate que lors de l'indépendance du pays en 1991.

    En dépit des soubresauts de l'Histoire, Split peut aujourd'hui s'énorgueillir d'être la deuxième ville du pays en termes de population, d'être un centre économique et touristique de premier plan ainsi qu'un port incontournable. Les faubourgs industriels de la ville , très étendus, en témoignent. Ce sont eux que l'on traverse en arrivant dans la ville.

    L'intérêt majeur de Split réside essentiellement dans son centre-ville qui se confond presque entièrement avec le palais de Dioclétien. Pour y accéder, il vous faut d'abord passer sous une des portes qui ponctuent le rempart. Libre à vous ensuite de déambuler à votre guise dans l'hypercentre à la découverte des grandes artères, des petites ruelles secondaires, des passages et raccourcis confidentiels, des places animées et des édifices qui ont marqué l'histoire de la ville.

    La porte nord ou porte Aurea    Vieilles demeures et terrasse de café - Trg Braće Radić

    Un passage couvert entre deux rues    Le temple de Jupiter converti en baptistère - Ilirske akademije

    Notez que le Palais de Dioclétien est l'un des plus grands vestiges romains du monde puisque qu'il réunit dans un quadrilatère de 215m de long sur 181m de large près de 220 bâtiments.

    Parmi les lieux incontournables de Split, citons :

    - la cathédrale St Domnius. Elle est construite à l'emplacement de l'ancien mausolée de l'empereur Dioclétien dont il ne reste aujourd'hui que 24 colonnes et le plan octogonal. Le clocher-campanile a quant à lui été élevé au XIIIème siècle. Enfin, la décoration extérieure mélange les influences romaines et chrétiennes. N'hésitez pas à repasser sur le parvis devant la cathédrale à la nuit tombée pour assister à un spectacle de rue.

     La cathédrale St-Domnius, son clocher et quelques unes de ses 24 colonnes    Clocher et quelques unes des 24 colonnes de la cathédrale St-Domnius et le péristyle

    - le port de plaisance. Sa promenade très fréquentée longe les fortifications du Palais de Dioclétien et se prolonge jusqu'à la digue ou jetée. Parcourez-la jusqu'au bout pour profiter d'une très belle vue sur la vieille ville.

    Port de plaisance en face de la Riva, la promenade du bord de mer    Port de plaisance en face de la Riva, la promenade du bord de mer

    - la colline de Marjanski plus à l'ouest de la ville historique. Pour y accéder le plus directement possible, il faut emprunter une série d'escaliers qui partent du port de plaisance. Mais les efforts sont largement récompensés : une promenade boisée vous plongera dans une ambiance radicalement différente de celle de la ville en contrebas (plus paisible et "nature") et vous conduira jusqu'à un magnifique panorama sur la ville et sa baie, jusqu'à une petite chapelle charmante voire jusqu'au zoo de la ville. A noter, la colline est également accessible en certains endroits par la route.

    Point de vue sur Split et ses environs depuis la colline de Marjanski put    Une petite chapelle sur la colline de Marjanski put

    - la statue de Gregoire de Nin et le clocher de la chapelle du Bienheureux Arnir au nord de la Porte Aurea. Situés à l'extérieur du rempart nord de la ville, ces deux éléments intriguent sur les motifs de leur présence à cet endroit et par leur dimension. Profitez de l'occasion pour découvrir le système de fortification du nord de la cité.

    Statue de Gregoire de Nin et clocher de la chapelle du Bienheureux Arnir    Les fortifications nord du palais de Dioclétien

    Et n'oubliez pas de vous perdre dans le lascis de ruelles à la découverte de places grandioses ou d'endroits plus intimistes.

    La place Bana Josipa Jelačića    Un commerce alliant passé et présent - Dioklecijanova

    Un vitrail dans un mur de pierres au détour d'une ruelle    La place Narodni (trg)

     

    Dubrovnik

    Comme Split, Dubrovnik est inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco et connue dans le monde entier. La faute sans doute aux compagnies de croisières méditerranéennes qui en ont fait une étape quasi-incontournable dans leurs traversées. Ce cliché ne vous dit-il rien ?

    Panorama sur la vieille ville depuis les collines bordant la mer Adriatique

    Fondée au VIIème siècle pour se protéger des invasions lombardes, l'antique Raguse a très vite suscité beaucoup de convoitises. Elle est ainsi successivement passée sous la domination de Constantinople, de Venise, des empires hongrois, ottoman, napolénien, puis austro-hongrois avec plus ou moins de succès et d'autonomie. Rattachée à la Yougoslavie après la Première Guerre Mondiale, elle n'a acquis sa nationalité croate qu'en 1991 après des bombardements destructeurs. Heureusement, des mécènes étrangers ont contribué à sa restauration et le résultat mérite largement le détour.

    Comme à Split, la zone d'intérêt majeur se cantonne au centre-ville historique bordé d'imposantes fortifications. Parmi les lieux incontournables, citons :

    - le système de fortifications justement. Il est intéressant de commencer la visite de la ville en longeant le rempart par l'extérieur. Le système défensif est impressionnant par son étendue, sa hauteur et son organisation (alternance de portes fortifiées, de murs et de tours massives). Vous avez ensuite la possibilité de parcourir le chemin de ronde de l'intérieur moyennant finance.

    La Porte Pile, entrée principale de la ville historique, et le rempart ouest    Le rempart nord et la tour nord-ouest Minčeta vue depuis l'extérieur de la vieille ville

    - la Placa. C'est l'artère principale de la vieille ville, sa colonne vertébrale. Elle est surprenante par sa largeur et son élégance inhabituelle a priori pour une ville médiévale.

    L'église du St-Sauveur, l'église des Franciscains et la Placa, principale artère de la ville    La Placa ou Stradun, principale artère de la ville vue depuis la Place de la Loggia

    - la place de la Loggia. Elle est le coeur de Dubrovnik sur lequel sont concentrés les principaux monuments de la ville : la colonne de Roland où était proclamé les édits et sentences, le Palais Sponza, la tour de l'Horloge, la petite fontaine d'Onofrio, la tour de garde et l'église St Blaise. Le Palais des Recteurs se trouve également à proximité.

    La Place de la Loggia au bout du Placa    L'église Saint-Blaise de style baroque italien au sud de la Place de la Loggia

    Le Palais des Recteur et la Cathédrale de l'Assomption de la Vierge Marie - Pred Dvorom

    - le "quartier religieux". Situé derrière la place de la Loggia, il regroupe le couvent et l'église des Dominicains ainsi que de petites chapelles de part et d'autre d'une ruelle sinueuse et étroite. C'est en sortant de la ville par ce côté-ci et en prenant un peu de hauteur que l'on accède au célèbre panorama présenté plus haut.

    La rue Svetog Dominika menant de la Place de la Loggia au Couvent des Dominicains et les chapelles St-Luc et de l'Annonciation   

    Mais il faut à tout prix se promener dans les hauteurs de la vieille ville et à ses extrémités pour découvrir des endroits plus insolites et encore plus dépaysants tels que le port, le marché ou l'église St Ignace. Jugez-en par vous-même :

    Un restaurant à tonnelle et une ruelle escarpée - Rue Peline    Le port, les remparts et la vieille ville

    Préparation du marché sur la place Gundulićeva poljana    L'église St Ignace - Poljana Ruđera Boškovića

    La place (Poljana) Mrtvo Zvono bordant le rempart sud

     

    Je concluerai cet article en disant que la Croatie recèle de nombreux autres trésors en plus de ceux présentés ici. Il n'appartient qu'à vous d'aller les découvrir en fonction de vos envies...

    Pour en savoir plus : http://croatia.hr/fr-FR/Homepage


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  • Dimanche 24 avril 2011 - Gokyo (4 790m) > Gokyo Peak (5 360m) > Gokyo

    Le programme de la journée tient en deux mots succincts : Gokyo Peak. La brièveté de ce descriptif, son apparence anodine ne permettent pas d'en saisir pleinement la portée qu'elle revêt pour nous ce matin. Ces deux mots - Gokyo Peak - marquent en effet à la fois un aboutissement, une concrétisation et un commencement. Explications...

    Cela fait plusieurs semaines et même plusieurs mois que j'ai choisi de participer à ce trek. J'ai commencé par écumer les catalogues des différentes agences d'aventures françaises, j'ai lu de manière approfondie les circuits qu'elles proposaient et j'ai eu un coup de coeur pour ce parcours de trois semaines. Il présentait à mes yeux plusieurs atouts :

    - la découverte d'une région mythique : l'Himalaya et notamment le pays sherpa. Plusieurs documentaires et films m'avaient permis de découvrir quelques images de cette destination. La réalisation par mon frère d'un trek dans le massif des Annapurnas l'an dernier a fini de me convaincre (un récit de ce trek est disponible dans les carnets de voyage à gauche de votre écran).

    - la dimension humaine : ce voyage était une opportunité de partir à la rencontre de nouvelles cultures et de cotoyer des gens au mode de vie bien différent du mien. Le guide qui nous accompagnerait nous fournirait sans doute quelques explications permettant de percevoir quelques aspects du quotidien des habitants. L'aspect humain, c'était aussi le partage de cette expérience de marche avec les autres membres du groupe européens et népalais.

    - le défi physique enfin : c'était la première fois que je m'inscrivais à une randonnée pédestre de trois semaines. Je souhaitais donc savoir si j'en étais capable physiquement et aussi psychologiquement (car étant sujet au vertige). En effet, même si j'étais en bonne forme physique, ma précédente et première ascension d'un sommet de plus de 5 000m s'était soldée par un semi-échec : j'avais péniblement grimpé jusqu'à ce palier symbolique mais avais ensuite renoncé à atteindre le sommet quelques dizaines de mètres plus haut du fait d'un début de mal des montagnes. Ce circuit m'offre donc la possibilité de me dépasser et de gravir, si je le peux, non pas un mais cinq sommets consécutifs.

     

    Après 6 jours de marche à travers la région du Haut-Khumbu, nous voilà donc au pied de notre 1er sommet, le Gokyo Peak. C'est l'aboutissement de longs mois d'attente et la concrétisation de tous les efforts que nous avons accompli ces derniers jours. Dans le même temps, tout reste encore à faire : il nous faut grimper jusqu'au sommet de cette montagne et peut-être que quelques uns d'entre nous n'y parviendrons pas.

    Le programme de l'agence se veut rassurant : "La journée est consacrée à l'ascension Du Gokyo Peak. Le cheminement est facile, par le versant sud". Et puis, nos accompagnateurs sont très expérimentés. Nous avons néanmoins croisé lors de la montée jusqu'ici des trekkeurs français obligés de faire demi-tour pour raison de santé. Advienne que pourra... mais le défi vaut le coup d'être relevé.

    * * *

    La journée commence tôt, très tôt. A 4h du matin précisément. Il fait encore nuit dehors mais nous devons nous préparer car le départ est prévu pour 5h15. Ces horaires n'ont rien d'exceptionnels. Comme j'ai pu en juger à chacune des ascensions que j'ai réalisée depuis, le départ se fait presque toujours de nuit. Cela permet de ne pas trop souffrir de la chaleur et de ses conséquences. Cela permet aussi de limiter le poids du sac puisque nous prenons le petit déjeuner avant d'amorcer l'effort et que nous devrions être de retour pour le déjeuner. Il nous suffit d'emporter des vêtements pour faire face à un possible changement météo, des boissons (chaudes de préférence) et des aliments énergétiques.

    5h15 : lorsque tout le monde est prêt, nous nous mettons en file indienne derrière Dorje, notre guide. C'est lui qui dictera le tempo. Il ne faut aller ni trop lentement pour ne pas s'exposer à des changements des conditions climatiques, ni trop vite pour ne pas dépenser toute son énergie et avoir le souffle court. Pasang et Kaji nous accompagnent, l'assistant guide fermant la marche.

    Nous sommes à 4 790m d'altitude et notre objectif du jour se trouve à 5 360m, ce qui correspond donc à un dénivelé positif de 570m. Cela peut sembler minime pour quiconque n'a pas l'habitude de la marche en montagne, mais il va nous falloir plusieurs heures pour boucler l'ascension. D'autant plus qu'un facteur imprévu est venu compliquer notre ascension : la neige. Tombée hier après-midi, elle couvre toute la région de son mince manteau blanc. Il faudra donc être prudent et utiliser nos bâtons de marche pour ne pas déraper. Point positif, le jour se lève beaucoup plus tôt grâce à elle, et la luminosité est assez exceptionnelle.

    La marche commence par une petite descente jusqu'aux berges du lac. Puis, il faut traverser une petite étendue d'eau en marchant sur des pierres plates disposées à intervalles réguliers. Ce n'est qu'après ce premier obstacle que nous amorçons la montée proprement dite, lampe frontale vissée sur la tête. Nous formons une colonne de lumières dans la nuit. D'autres se situent plus haut au-dessus de nos têtes. Ce sont les éclairages des trekkeurs partis avant nous. Quel beau spectacle !

    Les premiers mètres sont vraiment raides, puis la pente s'adoucit lorsque nous rejoignons le bon sentier.

    5h38 : Le jour est levé, le soleil pas encore. Il est toujours caché derrière les montagnes pour le moment. Nous avons rangé nos lampes frontales et progressons à un rythme lent et constant. Cela me permet de profiter du paysage environnant tout en continuant d'avancer. Au fil des minutes qui s'écoulent, le paysage prend du relief et de la profondeur. La neige ajoute à ce dernier une touche de magie supplémentaire :

    Le lac Dudh Pokhari à l'aube (4750m)    Le lac Dudh Pokhari (4750m) et le village de Gokyo (4790m) à l'aube vus depuis les flancs du Gokyo Ri

    Nous progressons lentement et pour une fois cela me convient. Je repense à ma précédente expérience d'ascension où la descente avait été un enfer à cause d'un début de mal des montagnes et de la perte de toutes mes forces. Il m'avait fallu deux bonnes journées pour m'en remettre. Aujourd'hui, je sens que ce sera différent. Notre acclimatation est bien meilleure et Dorje impose le bon rythme. Je devrais donc en théorie avoir suffisamment d'énergie pour redescendre sans problème.

    Peu avant 6h, nous découvrons la langue terminale du glacier Ngozumpa qui surgit derrière le village de Gokyo au pied des montagnes.

    Le lac Dudh Pokhari (4750m), le village de Gokyo (4790m) et le glacier Ngozumba vus depuis les flancs du Gokyo Ri

    Il s'agit d'un champ de pierres très valloné que nous traverserons demain pour nous rapprocher du camp de base de l'Everest. Dorje marque une halte et nous explique que les hauteurs de Gokyo sont en fait la moraine latérale de ce glacier Ngozumpa. En clair, ce glacier, qui pèse très lourd, glisse lentement vers le fond de la vallée. En glissant, il arrache tout sur son passage et notamment des rochers de plusieurs tonnes. Ces rochers sont poussés par le front du glacier et sur les côtés. La langue terminale qui apparait sous nos yeux correspond donc aux débris situés à l'avant du glacier tandis que la moraine correspond aux débris latéraux. Aucun mouvement n'est bien entendu perceptible mais je suis frappé par la force du glacier qui a créé cette "coulée" minérale.

    6h15 : nous assitons au lever du soleil derrière un sommet enneigé. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, la luminosité est déjà forte à cause de la neige et on pourrait se croire en pleine journée. Nous sommes cependant à l'aube et le disque solaire commence seulement à se dévoiler.

    Lever du soleil sur les flancs du Gokyo Ri

    6h45 : nous avons gagné en altitude et ça se voit. Le village de Gokyo est désormais tout petit en contrebas et la langue terminale du glacier Ngozumpa s'est élargie. La pente est impressionnante : on croirait qu'elle décroche à quelques dizaines de mètres de notre position et c'est pourtant par là que nous sommes montés. Et que dire de la verticalité des sommets qui nous entourent...

    Le lac Dudh Pokhari (4750m), le village de Gokyo (4790m), le glacier Ngozumba et les sommets himalayiens vus depuis les flancs du Gokyo Ri

    8h15 : nous atteignons des cairns reliés entre eux par des drapeaux à prières. Le sommet est tout proche... Cela fait maintenant 3 heures que nous avons quitté le lodge et ça va plutôt bien sur le plan physique. Pas d'épuisement généralisé comme la dernière fois. Je commence juste à avoir un petit mal de tête mais celui-ci est tout à fait supportable et normal compte tenu de l'effort en cours.

    Drapeaux à prière au sommet du Gokyo Ri (5357m) - vue sur les lacs Taujung Tsho (4740m) et Dudh Pokhari (4750m), sur le village de Gokyo (4790m) et le glacier Ngozumba

    8h30 : nous parcourons les derniers mètres qui nous séparent du sommet et félicitons chacun de nous. Puis nous prenons une pause bien méritée durant laquelle nous nous ravitaillons et nous reposons un peu. Nous contemplons surtout l'incroyable panorama qui se dresse à 360° et nous faisons des photos pour immortaliser ce moment.

    Kaji et drapeaux à prière au sommet du Gokyo Ri (5357m)    Drapeaux à prière au sommet du Gokyo Ri (5357m)

    Vue sur les lacs Taujung Tsho (4740m) et Dudh Pokhari (4750m), sur le village de Gokyo (4790m) et le glacier Ngozumba depuis le Gokyo Ri (5357m)

    Peu après 9h, nous amorçons la descente. Je suis très vite frappé par la vitesse avec laquelle la neige a fondu. On ne se croirait pas sur le même chemin que ce matin. Jugez-en par vous-même :

    Vue sur le lac Dudh Pokhari (4750m), le village de Gokyo (4790m) et le glacier Ngozumba depuis le flanc du Gokyo Ri (5357m)

    Nous arrivons au lodge aux alentours de 11h. La descente a été rapide et efficace, et mon mal de tête a disparu. Nous avons quartier libre pour cet après-midi, mais nous allons auparavant prendre un déjeuner revigorant.

    13h : alors que la plupart des autres membres du groupe décident de se reposer dans leur chambre en vue de l'étape de demain, je choisis de ressortir explorer les environs. Autant profiter à fond de ma présence ici car je ne sais pas si j'aurais l'occasion de revenir un jour. Je monte d'abord sur les hauteurs de Gokyo en direction de la langue terminale du glacier Ngozumpa. Je dispose ainsi d'une belle vue sur le lac Dudh Pokhari et le village en contrebas, ainsi que d'un panorama impressionnant sur le gigantesque pierrier.

    Vue sur le village de Gokyo (4790m) et le lac Dudh Pokhari (4750m)    Le glacier Ngozumba et sa moraine latérale

    13h30 : je redescends jusqu'aux berges du lac et envisage de rallier la rive opposée en le contournant par la droite, c'est-à-dire par les flancs du Gokyo Peak. Les chemins ne manquent pas tracés semble-t-il par les animaux en quête de pâturages. Ils montent et descendent ou oscillent en permanence à l'image de montagnes russes, et épousent parfaitement le relief.

    Tandis que je progresse assez rapidement, le temps change lui aussi très vite, et les flocons ne tardent pas à refaire leur apparition.

    Chute de neige sur le village de Gokyo (4790m) et le lac Dudh Pokhari (4750m)

    14h15 : je continue d'avancer tout en gardant un oeil sur les gros nuages blancs. Au détour d'un virage, je remarque en amont de ma position une perdrix choukar. J'en avais déjà aperçu plusieurs ces derniers jours mais jamais d'aussi près. L'animal possède un ramage bariolé avec une tâche orange près des yeux, dans le prolongement de son bec très court. Il est plutôt bien en chair malgré la haute altitude, signe que la nourriture ne manque pas pour lui dans les environs.

     Une perdrix choukar

    Quelques mètres plus loin, je tombe presque nez à nez avec un imposant yak blanc. Celui-ci paisse tranquillement à flanc de montagne. Je m'arrête pour ne pas l'effrayer ou le déranger. Je me remémore alors des images du film "Himalaya, l'enfance d'un chef" où apparaissait un yak similaire.

    Un yak broutant au-dessus du lac Dudh Pokhari

    Un peu plus loin encore, je jette un coup d'oeil en arrière et remarque que la visibilité se dégrade et que les nuages enflent. Je décide de rebrousser chemin après avoir pris en photo un joli petit bouquet de primevères. Il me faut 20 minutes pour revenir au bas de la descente du Gokyo Peak. A cet endroit, les reflets dans le lac Dudh Pokhari sont sympatiques.

    Vue sur le village de Gokyo (4790m) et le lac Dudh Pokhari (4750m)    Primevères

    Reflet sur le lac Dudh Pokhari (4750m) et sentier au pied du Gokyo Ri

    Je termine ma promenade par un nouveau petit tour sur la moraine, puis je regagne le lodge après 3 heures de marche. Je mets à profit la fin de l'après-midi pour ranger mes affaires du jour, préparer celles de demain, lire un peu et rédiger ce carnet de voyage.

    Avant le diner, je refais un tour sur la moraine avec un autre membre du groupe, histoire de me mettre en appétit. Nous prenons le repas avec nos autres compagnons de route, puis amorçons notre désormais traditionnelle soirée Uno avec nos amis népalais. Pasang ne parlant pas français, nous utilisons pêle-mêle des mots anglais, français et népalais. Je connais désormais le nom des 4 couleurs du jeu en népalais : "arriou" (phonétiquement) pour le vert, "nilo" pour le bleu, "paello" pour le jaune et "rato" pour le rouge.

    Nous enchainons quelques parties avant de regagner notre duvet pour une nuit bien méritée. Quelle belle journée !!!


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  • Logo Grande Armada 2013

    Il n'est pas toujours nécessaire de partir à l'autre bout du monde pour assister à des évènements insolites ou qui sortent de l'ordinaire. L'Armada de Rouen en est un bel exemple.

    Du 6 au 16 juin dernier, quelques uns des plus beaux voiliers du monde s'étaient donnés rendez-vous sur les quais du port de Rouen. Les visiteurs ont alors eu l'occasion de monter à bord des navires tout au long des 10 jours de la manifestation. Celle-ci s'est achevée par un grand défilé devant conduire les voiliers jusqu'à l'embouchure de la Seine. Plus de 2 millions de curieux se sont rassemblés sur les rives du fleuve pour voir passer les navires.

    Un petit résumé en images :

    L'Armada 2013    L'Armada 2013

    L'Armada 2013    L'Armada 2013

    L'Armada 2013    L'Armada 2013

    L'Armada 2013    L'Armada 2013


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    Vendredi 22 avril 2011 - Phortse (3 800m) > Machherma (4 470m)

    Une nouvelle fois la journée débute tôt - 6h - mais il faut reconnaître que nous nous couchons aussi plus tôt que d'habitude par respect pour nos hôtes. Après avoir avalé un petit déjeuner copieux, nous enfilons nos chaussures de marche et amorçons notre randonnée du jour. Il est à peine 7h20. Le constat est le même qu'hier : le ciel est dégagé et la luminosité très forte. Des fumées s'élèvent ici ou là des cheminées des habitations, les champs sont déserts, et les sommets enneigés se dressent vers le firmament. Pas de doute, nous sommes toujours dans l'Himalaya.

    Phortse et le Thamserku (6618m) en arrière-plan

    Les 30 premières minutes sont faciles puisque nous redescendons de Phortse à Phortse Thanga par le sentier forestier emprunté hier. Bon échauffement. Nous franchissons ensuite le pont enjambant la Dudh Koshi Nadi et amorçons la montée vers Machherma. Celle-ci, d'abord constituée de marches de pierre, est rude mais nous permet de regagner rapidement de l'altitude. Nous apercevons déjà en contrebas le pont que traverse une caravane de yaks.

    Escaliers en pierre au dessus de Phortse Thanga    Le pont traversant la Dudh Koshi Nadi à hauteur de Phortse Thanga

    La montée va durer deux heures, entrecoupée de petites haltes. Le soleil matinal nous enveloppe de sa clarté et nous réchauffe bien vite. L'effort est réel mais largement supportable grâce à Dorje qui impose un rythme lent et à nos porteurs qui nous soulagent du poids de nos grands sacs à dos. Je les remercie pour cette attention qui nous permet d'apprécier pleinement les petits détails du paysage : un point de vue sur le Thamserku, de petites cascades, un yak paisible ou un pont de métal.

    Le Thamserku (6618m)    Un yak

    Une cascade et un petit pont

    9h25 : un simple regard en arrière me permet d'apprécier le chemin parcouru depuis ce matin. Le lit de la rivière est à peine visible en contrebas tandis que Phortse et le Thamserku reculent et disparaissent peu à peu derrière une autre montagne plus proche.

    Vallée de la Dudh Koshi Nadi, le village de Phortse (3810m), le Thamserku (6618m) et le Kangtega (6783m)

    9h50 : nous débouchons sur une petite clairière où se dresse un refuge en pierre, la plus grosse montée de la journée est terminée.

    Un refuge au milieu des montagnes

    Mon regard se pose sur le refuge. Je suis rempli d'admiration pour les hommes qui ont construit ce bâtiment ici, dans un lieu loin de tout et difficile d'accès. Ils n'ont visiblement pas ménagé leurs efforts pour ériger cette construction à l'apparence impeccable. Le bâtiment épouse parfaitement le flanc de la montagne sur lequel il est adossé. Il semble comporter deux étages si l'on se fie aux deux portes situées à des hauteurs différentes. Celles-ci sont en bois, de même que la petite fenêtre au-dessus de la porte basse. Les murs ont été érigés en imbriquant une très grand nombre de pierres de tailles et de formes diverses  tandis que de grandes pierres plate constituent la toiture. On se croirait presque dans les Pyrénées surtout que la hauteur des sommets alentours n'est guère impressionnante vue de ma position.

    Le chemin se poursuit, moins raide mais à flanc de montagne. La forêt a laissé place à une végétation plus rase avec des arbres plus espacés.

    Le sentier à flanc de montagne

    10h45 : nous approchons de Dhole (4 110m). Nous croisons une caravane de yaks en sens inverse. Tous sont équipés de cloches à leur cou qui nous signalent leur arrivée. Un yak blanc ouvre la marche suivi par ses congénères de couleur noire. Certains sont chargés, d'autres non, mais tous sont harnachés.

    Une caravane de yaks

    Le village de Dhole présente un visage singulier car il est scindé en deux parties qui se font face. Elles sont séparées l'une de l'autre par une petite dépression où coule un ruisseau. Des deux côtés, l'habitat est plutôt dispersé et systématiquement entouré d'enclos. Ceux-ci sont vides pour le moment.

    Le village de Dhole (4110m)

    Un chemin de terre relie les deux parties du village distantes d'une bonne centaine de mètres. Il fait ainsi office de lien entre les deux "quartiers". Cela me fait penser à une aventure d'Astérix (Le Grand Fossé) où les habitants d'un même village ont creusé un fossé en plein milieu de celui-ci permettant à chacun de vivre en paix. Ici, il est peu probable qu'une mésentente soit à l'origine de cette configuration atypique mais je ne peux m'empêcher d'y voir une similitude.

    Pour rallier Machherma, nous devons emprunter le chemin que je viens d'évoquer. Nous commençons par descendre jusqu'au ruisseau avant de remonter de l'autre côté. La montée s'avère longue mais sans difficulté particulière. Nous devons en fait surtout composer avec le vent qui souffle fort et la poussière que soulève chaque bourrasque.

    Nous progressons ainsi durant 15 minutes qui nous paraissent beaucoup plus longues. Puis, nous atteignons les premiers alpages. Deux mâts à prières et des ovoos en marquent l'entrée.

    Mât à prière et le village de Phortse au loin

    A Lhabarma (4 330m), nous effectuons une longue halte dans un lodge-restaurant pour la pause déjeuner. Ce moment de repos est très appréciable parce qu’il permet de nous mettre à l’abri du vent très vif depuis Dhole. Je signalerai que la température extérieure a aussi baissé de manière significative depuis ce même village. Nous sommes à plus de 4 000m et ça commence à se sentir.

    Nous reprenons la marche peu avant 14h pour la dernière ligne droite vers Machherma. Le chemin est quasi-rectiligne et le dénivelé très faible. Nous sommes une nouvelle fois à flanc de montagne et nous nous enfonçons toujours plus loin dans la chaîne himalayenne. Le panorama est impressionnant : la rivière Dudh Koshi Nadi s’écoule tout au fond de la vallée tandis que les montagnes qui nous font face m’impressionnent par leur hauteur. Jugez-en par vous-même :

    Un sentier à flanc de montagne et la Dudh Koshi Nadi    Un sentier à flanc de montagne

    Sur le versant opposé, on remarque un autre chemin parallèle au nôtre. Les deux ont vraisemblablement la même physionomie : ils semblent faire fi de tous les obstacles pour continuer leur fuite en avant.

    La végétation est quant à elle devenue très rase. Les arbres ne semblent plus pousser à cette altitude. Nous avons ainsi franchi sans nous en rendre réellement compte un nouvel étage écologique. Cela me rappelle un phénomène analogue observé lors d’un précédent voyage en Norvège : à l’approche du cercle polaire arctique, tous les arbres avaient disparu pendant quelques kilomètres avant de ré-apparaître au nord de cette ligne imaginaire. La latitude et les conditions climatiques expliquaient alors le changement de la flore tandis qu'aujourd’hui, c’est sans doute davantage l’altitude et les conditions climatiques qu’elle induit qui en sont les principaux responsables. La nature est vraiment surprenante non ?

    14h37 : nous arrivons au dernier village avant notre objectif du jour. Notre progression a été rapide en raison du vent qui continue de souffler vivement. Chacun de nous a enfilé sa capuche pour s’en protéger et conserver la chaleur corporelle qui tend à s’échapper par nos cols. Les conversations sont très réduites, chacun se réfugiant dans ses pensées ou sa contemplation.

    Les randonneurs connaissent probablement ce phénomène où l’esprit « se dissocie » du corps pour s’évader ou méditer. La marche devient alors un réflexe (l’individu est en quelque sorte en « pilotage automatique ») et l’attention aux paysages environnants diminue. Le temps est comme suspendu. Et tout d’un coup, le randonneur reprend ses esprits et redevient sensible à son environnement immédiat. Le village de Luza endosse aujourd’hui ce rôle-là.

    Le hameau n’a rien d’insolite par rapport à ceux que nous avons déjà traversés. Mais il rompt le paysage montagneux que nous longeons depuis une trentaine de minutes. Il est un ilôt de vie au milieu des reliefs innombrables. Il est entré dans notre ligne de mire sous la forme d’un lodge entouré d’un muret de pierres. Puis le centre du bourg est apparu quelques secondes plus tard sous la forme de quelques bâtiments dispersés entourés eux-aussi de leurs propres murets.

    Un lodge près de Luza (4360m)    Le village de Luza (4360m)

    40 minutes de marche supplémentaires et nous touchons au but. Le sentier descend dans une petite vallée perpendiculaire où est blotti le village de Machherma (4 470m).

    Arrivée sur Machherma (4470m)

    Il ne nous reste plus que quelques mètres, quelques mètres riches en sensations. On éprouve d’abord de la joie d’avoir terminé la marche sans aucun problème. Tout semble aller, pas de mal d’altitude pour le moment. On éprouve également un peu de frustration : « c’est déjà fini ? », « Mais on vient à peine de commencer ! » ou  « Mais il n’est même pas 16h et on s’arrête déjà ? ». Après plusieurs heures de marche, mon organisme est en effet en vitesse de croisière et pourrait sans doute continuer un peu plus. Il faut toutefois rester raisonnable, altitude oblige : les paliers doivent être progressifs pour prévenir tout problème ultérieur. C’est l’histoire du lièvre et de la tortue en quelque sorte. Enfin, on ressent aussi un peu d’excitation face à l’inconnu : Dans quel lodge va-t-on passer la nuit ? Comment sera-t-il ? Va-t-on faire de nouvelles rencontres comme les soirs précédents ? J’adore éprouver cette palette de sensations, parfois contradictoires, mais que je retrouve lors de chacun de mes voyages.

    Que se passe-t-il ensuite? Nous prenons possession de nos chambres et sortons nos affaires pour cette nuit. Certains se reposent, d'autres lisent dans leur chambre, les derniers dont je fais partie se rendent dans la salle commune. Puis vient l'heure de la toilette, celle du diner, du Uno et du dodo. Je terminerai en relevant qu'aujourd'hui toutes les flaques d'eau ont recommencé à geler dès 17h. La température est tombée très vite lorsque le soleil a disparu derrière les sommets. Bonne nuit.

     

    Samedi 23 avril 2011 - Machherma (4 470m) > Gokyo (4 790m)

    La journée commence comme hier : lever à 6h, toilette rapide, bouclage du sac, petit déjeuner et départ à 7h15. Comme hier, le soleil brille dans un ciel dépourvu de nuages et il fait plutôt froid dehors. La nuit elle-même a été froide comme nous l'annonçait le gel des flaques d'eau dès la fin d'après-midi hier. Aussi a-t-il été difficile de sortir de mon duvet bien chaud ce matin pour revêtir mes vêtements tout froids. Heureusement, la journée s'annonce très belle, d'autant plus que nous allons atteindre aujourd'hui un des clous de notre voyage : les lacs de Gokyo. Certes chaque journée apporte son lot de surprises, mais il existe dans tous voyages des étapes-clé qui sont à l'origine de notre venue. Les lacs de Gokyo en font partie.

    Le village de Machherma est similaire à celui de Dhole : un lit de rivière presque asséché sépare le hameau en deux parties distantes de quelques mètres. Nous devons donc d'abord descendre une petite pente, puis traverser un pont enjambant un ruisseau avant de remonter vers la rive opposée.

    Le village de Machhermo et la Machherma Khola

    Tandis que nous amorçons notre marche, nous croisons un troupeau de yaks et son pâtre qui vont en sens inverse. Nous pouvons suivre des yeux leur progression rapide vers les hauts pâturages. En à peine plus de 10 minutes, les robustes animaux se transforment en petites tâches sur la crête surplombant Machherma. J'en retire une belle leçon d'humilité : aussi grands, aussi forts soyons-nous, que pèse-t-on face à ces gigantesques masses de pierre qui forment l'Himalaya ? Il suffirait d'une simple avalanche ou d'une tempête de neige pour nous réduire au néant ou nous immobiliser. Tâchons donc de profiter de ce bonheur simple qu'est notre randonnée dans des conditions somme toute clémentes.

    Un yak, des pierres mani, un sommet enneigé et la lune    Une caravane grimpant les flancs de la montagne

    7h40 : Nous atteignons le col surplombant Machherma et débouchons sur un promontoire. Un chorten surmonté de drapeaux à prières s'y dresse fièrement. Les bandes de tissus claquent au vent permettant par la même occasion la récitation des mantras. Un nouveau point de vue s'offre à la contemplation : la montée finale vers les lacs de Gokyo, le Cho Oyu (8 153m) et la frontière avec le mythique Tibet.

    Un chorten surmonté d'un drapeau à prière devant des sommets himalayiens    Les villages de Nha (4400m) et Chhamtyang (4590m), la Dudh Koshi Nadi et la montée vers les lacs de Gokyo avec le Cho Oyu (8153m) au fond

    La marche suit tranquillement son cours vers le village de Phangga. Le rythme reste toujours dicté par Dorje alors que Pasang et Kaji se sont chacun positionnés à une extrémité du groupe. Quand aux porteurs, ils nous ont rejoint au niveau du col et progresse désormais plus ou moins à notre rythme (tantôt plus vite, tantôt un peu moins).

    Plante rase colorée

    Nous traversons une esplanade herbeuse. A son extrêmité, l'entrée de Phangga est matérialisée par un amas de pierres mani et des enclos de pierre. Une fois le monument contourné par la gauche (vous vous en rappeliez n'est-ce pas ?), nous faisons une petite halte avant d'entreprendre la montée vers les lacs de Gokyo. Le village est désert, en apparence du moins.

    Pierres mani et enclos avec au fond  le Thamserku (6618m) et le Kangtega (6783m) - village de Phangga (4480m)    Pierres mani et enclos - village de Phangga (4480m)

    8h35 : c'est parti pour environ une heure et 230m d'ascension. Rien de très difficile mais il faut rester prudent car nous sommes tout de même à 4 500m d'altitude. Le chemin, toujours à flanc de colline, longe un pierrier au milieu duquel se faufile la rivière Dudh Koshi Nadi. Il rejoint un col derrière lequel devrait apparaitre assez rapidement le premier des trois lacs de Gokyo.

    La montée vers les lacs de Gokyo avec la Dudh Koshi Nadi et le Cho Oyu (8153m) au fond

    Une fois le col atteint, nous nous retrouvons sur une espèce de plateau couvert de milliers de pierres et de dizaines de cairns. L'ensemble est vraiment curieux.

    Zone rocheuse et cairns aux abords du lac Longponga (1er lac de Gokyo - 4710m)

    Nous avançons de quelques centaines de mètres et découvrons le 1er lac de Gokyo dénommé Longponga (4 710m). De forme semi-circulaire, celui-ci est niché au pied d'un massif rocheux et occupe une surface réduite. Il est peu profond et tapis de galets sur la quasi-totalité de sa superficie d'après ce que laissent deviner ses eaux translucides.

    Le lac Longponga (1er lac de Gokyo - 4710m) avec ses roches et ses cairns

    9h50 : Comme la plupart des trekkeurs empruntant cette voie, nous marquons un nouveau temps de récupération au bord du plan d'eau pour nous reposer, manger et nous réhydrater. Boire est en effet essentiel en haute montagne pour se prémunir contre le mal d'altitude. Je mets aussi à profit ce temps mort pour aller féliciter nos jeunes et vaillants porteurs sherpas : de gauche à droite sur la photo Sangay, Ansering et Newan Sherpa. Je les prends en photos, leur montre le cliché et leur promets de le leur envoyer par courrier à mon retour en France (j'espère qu'elle leur a été remise). Seul manque à l'appel Chopel Sherpa, le frère de Pasang, qui est parti un peu plus tard du lodge car plus expérimenté. Merci à vous quatre sans qui notre périple n'aurait jamais été possible.

    Sangay, Ansering et Newan Sherpa devant le lac Longponga (4710m)

    Nous reprenons le chemin un peu avant 10h30. Nous commençons par contourner le petit lac Longponga. Je bénéficie en me retournant d'une superbe vue sur les sommets enneigés du fond de la vallée. Je remarque également que la neige parsème timidement les reliefs situés au-dessus du lac. Nous grimpons alors une petite "côte" et débouchons assez vite sur le second lac : Taujung Tsho (4 740m). Il est 11h.

    Vue sur le lac Longponga (4710m) depuis la rive opposée    Le lac Taujung Tsho (2nd lac de Gokyo - 4740m) partiellement gelé

    Le lac Taujung Tsho est radicalement différent du précédent. Beaucoup plus grand en superficie, sa surface est majoritairement couverte d'une mince pellicule de glace. L'eau affiche une teinte bleutée traduisant sa plus grande profondeur alors que l'eau du lac Longponga était plutôt couleur vert-gris. Le même massif rocheux surplombe les deux lacs mais il est ici beaucoup plus enneigé et précédé sur sa partie ouest de zones d'éboulis. Les cairns enfin sont beaucoup plus rares et élégants.

    Le lac Taujung Tsho (2nd lac de Gokyo - 4740m) partiellement gelé

    Il ne nous reste plus qu'à couvrir un très faible distance pour atteindre le troisième et dernier lac : Dudh Pokhari (4 750m). La première image que nous en avons est assez austère : le ciel se fait de plus en plus menançant, et en face de nous se dresse une gigantesque "colline" d'apparence désolée - le Gokyo Peak. Le lac semble ainsi pris en étau entre les composantes du paysage.

    Arrivée au lac Dudh Pokhari (3ème lac de Gokyo - 4750m) partiellement gelé et vue sur le Gokyo Ri (5357m)

    J'assouplis sensiblement mon opinion après quelques pas. Dudh Pokhari ressemble beaucoup à Taujung Tsho si ce n'est qu'il le dépasse en superficie. On se croirait devant une immense patinoire gelée. Quant aux lourds nuages menaçants qui s'amoncellent sur les sommets, il confère au tableau qui est sous nos yeux un soupçon de mystère.

    Nos jeunes porteurs nous dépassent. Nous leur embrayons le pas et découvrons au détour d'un virage notre village et notre lodge pour les deux prochaines nuits. Nous atteignons celui-ci pile avant midi.

    Nos jeunes porteurs cheminant vers le  village de Gokyo (4790m)    Le lac Dudh Pokhari (3ème lac de Gokyo - 4750m) partiellement gelé

    Dernière montée : nous empruntons un escalier extérieur et débouchons sur un couloir. A droite, il mène aux chambres; à gauche, il conduit vers la salle commune. Comme tous les lodges que nous avons visités jusqu'ici, la salle commune à la forme d'un U en raison des banquettes qui ornent chaque coin de la pièce. Un poêle trône en son centre et de larges vitres permettent de disposer d'une vue panoramique sur le troisième lac de Gokyo.

    Après avoir pris possession de nos chambres, nous déjeunons. Puis Dorje nous donne quartier libre pour nous reposer avant l'ascension de demain. Nous préparons nos affaires pour la nuit et la journée du lendemain, certains se reposent dans leur duvet (les chambres étant non chauffées et plutôt fraîches) tandis que d'autres lisent. Je passe une partie de l'après-midi dans la salle commune avec une autre membre du groupe. Cette pièce me parait en effet plus conviviale car plus lumineuse.

    J'observe la neige qui tombe et couvre lentement les alentours d'un blanc manteau. Sensation bizarre : on se croirait dans un châlet de montagne pendant les vacances de Noël, et pourtant nous sommes au mois de mai et à l'intérieur d'un lodge népalais. Une jeune fille sherpa s'approche du poêle avec son panier. Elle pose son chargement devant l'appareil, retire une espèce de couvercle du sommet de celui-ci et pioche ses mains dans son panier. Elle en extrait des bouses de yaks séchées qu'elle jette dans le foyer. Je suis ravi d'être là et d'assister à cette scène que je n'avais vue jusqu'à présent que dans les documentaires. Les bouses de yaks sont en effet récoltées et séchées pour servir de combustibles pendant la saison froide. Le bois étant absent à cette altitude, la bouse de yak constitue une source d'énergie gratuite, abondante et renouvelable. Elle est dotée d'un bon pouvoir calorifique et ne dégage pas d'odeur lors de sa combustion.

    En fin d'après-midi, peu après 17h, le besoin de sortir un peu m'assaille. Je ne suis pas le seul, d'autres membres du groupe ont la même envie. Envie de sortir prendre un bon bol d'air frais, envie de se dégourdir les jambes, envie de marcher dans cette fine couche de neige himalayienne. Nous décidons donc de faire le tour du village. Pasang nous accompagne.

    Nous découvrons très vite quelques scènes et endroits insolites :

    -un petit rouge-gorge immobile sous les flocons de neige pour commencer. Rien de surprenant me direz-vous ? Peut-être, mais nous sommes quand même à plus de 4000m d'altitude et entourés de montagnes plus hautes encore. Voilà donc un petit piaf courageux osant braver des conditions difficiles.

    Un rouge-gorge sous la neige - Gokyo (4790m)

    - une petite épicerie très bien achalandée. Rien de comparable avec votre supermarché ou hypermarché habituel bien entendu, toutefois la profusion des marchandises proposées est impressionnante si l'on tient compte de l'isolement de Gokyo. Nous sommes actuellement dans un coin de notre planète très reculé et nous avons sous nos yeux des sodas, des friandises, des piles des grandes marques internationales. Bel exemple de mondialisation!

    Une petite épicerie - Gokyo (4790m)

    - la palme d'or revient cependant à un petit local attenant qui fait office de cybercafé, de cabine de téléphone et de cabine de douche. Il fallait l'inventer non ? En tout cas, il ferait sans doute fureur chez certains cadres sup' toujours pressés et connectés.

    Un local Internet, téléphone et... douche chaude

    Nous poursuivons la promenade sur les hauteurs du village de Gokyo. Deux yaks y déambulent à la recherche d'une touffe d'herbe à se mettre sous la dent. Nous bénéficions d'une vue sur le lac. La neige a cependant réduit la visibilité et tous les sommets environnants ont disparu.

    Deux yaks en surplomb le lac Dudh Pokhari

    Nous descendons brièvement jusqu'à la rive du lac et découvrons non loin de là un canard impassible qui nous observe. Décidément, tous les oiseaux solitaires et colorés semblent s'être donnés rendez-vous ici...

    Un canard au repos

    Le froid étant assez vif, nous rebroussons chemin pour regagner notre lodge. Nous contournons le village par le bas, ce qui nous permet de bénéficier d'un nouveau point de vue inédit.  Les yaks ont envahi le centre du village et attendent placides sous la neige qui couvrent leur pelage.

    Le village de Gokyo (4790m), ses lodges et ses yaks    Deux yaks couverts de neige - Gokyo (4790m)

    La journée se termine autour du poêle de la salle commune : dîner, parties de Uno en franco-népalais et dodo de bonne heure. Demain matin, si le temps le permet, nous partirons en effet à la conquête de notre premier "5000" népalais. La récupération est donc essentielle. Bonne nuit !


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  • Jeudi 21 avril 2011 - Namche Bazar (3 440m) > Phortse (3 800m)

    Comme hier, la journée commence tôt : 6h35. Le départ étant fixé à 8h, nous avons le temps de faire un brin de toilette, de prendre le petit déjeuner, de préparer les sacs et même de profiter de l'environnement dans lequel nous nous trouvons. La journée s'annonce radieuse...

    Namche Bazar devant les Nupla (5885m), Shar (Tartikha 6186m) et Kongde Ri (6086m)    Le monastère de Namche Bazar

    Le centre de Namche Bazar

    Quel bonheur d'être ici à contempler ce paysage montagneux et cette ville paisible alors que d'habitude, à cette même heure, je m'apprête à partir au travail !

    8h : lorsque nous quittons le lodge, nous nous retrouvons derrière quelques yaks accompagnés de leur gardien. Ces animaux sont vraiment impressionnants par leur taille et la force qu'ils dégagent. Pourtant, ils remontent tranquillement la pente pavée qui les conduit des contrebas de Namche vers les pâturages. Nous dépassons prudemment ce lourd convoi.

    Un yak et son propriétaire remonte sur les hauteurs de Namche

    Cinq minutes plus tard, nous sortons de Namche Bazar et débouchons sur des champs en terrasse. Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec les terrasses incas des Andes péruviennes ou les rizières étagées d'Asie du Sud-Est. Il est vraiment fascinant de se dire que des hommes éloignés de plusieurs milliers de kilomètres et aux moeurs et coutumes très différents ont pu développer une réponse identique pour s'adapter aux contraintes du relief.

    Champs à la sortie de Namche Bazar et vue sur le Kangtega (à gauche - 6783m), le Thamserku (à droite - 6618m) et le Kusumkhang Karda (au fond - 6370m)

    Nous progressons encore une petite dizaine de minutes en longeant quelques habitations et arrivons sur un sentier à flanc de montagne. Ce dernier suit la vallée formée par la rivière Imja Khola qui s'écoule en contrebas. Nous irons dans le sens inverse de l'écoulement de l'eau, vers le fond de la vallée. Devant nous tout au fond, se dressent des sommets légendaires : le Nuptse (7864m), l'Everest (8848m) et le Lhotse (8516m). En face de nous, au bout du chemin, on aperçoit le stupa du Tenzing Norgay Memorial. Les conditions climatiques sont idéales.

    Chemin conduisant de Namche Bazar à Kyangjuma - Panorama sur le Haut-Khumbu et ses sommets

    Nous rejoignons le Mémorial peu après 8h30. Celui-ci est en cours de rénovation et attend notamment d'être repeint en blanc. Nous marquons une petite pause pour contempler l'édifice et les hauts sommets enneigés.

    Le Tenzing Norgay Memorial Stupa devant les sommets himalayiens (Ama Dablam, Lhotse Shar, Lhotse, Everest, Nuptse)    Le Tenzing Norgay Memorial Stupa sur le chemin vers Kyangjuma

    Nous reprenons le chemin. Cinq minutes plus tard, nous arrivons sur un nouveau chantier : des ouvriers sont en train de faire des travaux de terrassement pour consolider le sentier. Le travail semble très pénible : transport de gros et lourds blocs de pierre, taille de ces blocs et construction d'un mur dans des conditions difficiles (chemin à flanc de montagne avec fort dénivelé, passage permanent de groupes de trekkeurs, poussière, ...). Le résultat est en revanche réussi. Des panneaux font appel à la générosité des touristes pour contribuer à l'entretien du chemin.

     Ouvrier sherpa aménageant le chemin entre Namche Bazar et Kyangjuma et trekkeurs    Tailleur de pierre sherpa aménageant le chemin entre Namche Bazar et Kyangjuma

    Ouvrier sherpa aménageant le chemin entre Namche Bazar et Kyangjuma

    9h05 : au détour d'un virage, la vue devient superbe, impressionnante, à couper le souffle. Nous embrassons pour commencer les hauts sommets aux neiges éternelles. Parmi eux, l'Ama Dablam (à droite sur la photo) à la forme si particulière et qui se dévoile de plus en plus. Nous apercevons ensuite notre destination de la journée (Phortse - en face tout au fond, au pied de la montagne) et une partie du trajet qui y mène. Nous découvrons enfin le chemin que nous emprunterons dans quelques jours lorsque nous reviendrons de l'Everest Base Camp et sa forêt de rhododendrons (colline au centre de la photo).

    Panorama sur le haut Khumbu (Cholatse, Tawoche, Tabuche Peak, Nuptse, Everest, Lhotse, Lhotse Shar, Ama Dablam) et les villages de Phungi Thanga et Phortse

    Avancer dans ces conditions est très facile. Je suis captivé par le spectacle qui m'entoure et qui change sensiblement à chaque pas : un sommet se dévoile lentement, la barrière nuageuse s'écrase de l'autre côté des "géants", un hélicoptère de secours traverse la vallée, ...

    Panorama sur le haut Khumbu (Cholatse, Tawoche, Tabuche Peak, Nuptse, Everest, Lhotse, Lhotse Shar, Ama Dablam) et les villages de Phungi Thanga et Phortse    Zoom sur l'Everest (8848m) et le Nuptse (7864m)

    9h22 : Nous approchons du petit hameau de Kyangjuma. Sur notre gauche, au-dessus du sentier, des murets de pierres semblent délimiter des propriétés ou des champs. Une maison semblable à nos bergeries ou refuges de montagne se dresse également à l'abri de parois rocheuses. Et quatre jeunes enfants se trouvent là : 3 filles et un garçon donnant vie à cette "nature morte".

    Jeunes enfants sherpas sur le chemin vers Kyangjuma

    Nous traversons une allée bordée d'arbres et débouchons sur le hameau proprement dit. Un grand bâtiment fait office de supérette et abrite un restaurant et probablement aussi un lodge. En face, des murets de pierres servent d'étals pour des souvenirs touristiques, un mât s'élève dans les airs et une terrasse accueille les touristes qui font une halte (c'est-à-dire tout le monde).

    Le hameau de Kyangjuma (3550m)

    Deux moines du monastère de Khumjung profitent de l'affluence pour demander aux randonneurs de contribuer à l'entretien de leur temple. Ils délivrent alors un récipissé en bonne et due forme assortis d'un sourire. Le dialogue s'arrête là faute de traducteur. Dorje, Pasang et Kaji ont disparu temporairement.

    Un moine bouddhiste collectant des dons pour son monastère

    10h : Nous reprenons la marche à l'invitation de Dorje. Nous longeons des étals et des magasins jusqu'à la sortie de Kyangjuma, puis nous nous enfonçons dans un bois très clairsemé. Très fréquenté aussi : des trekkeurs  partent dans la même direction que nous vers le camp de base de l'Everest, d'autres en sens inverse en reviennent et regagnent Namche Bazar, une caravane de yaks aussi. Nous la laissons passer.

    Une caravane de yaks non loin du hameau de Kyangjuma

    Nous franchissons un petit pont de bois, progressons de quelques mètres et arrivons à un carrefour qui marque un tournant dans notre randonnée. Nous allons désormais quitter la Everest Highway pour rejoindre les lacs de Gokyo.

    Cette appellation d'Everest Highway désigne le chemin que nous avons emprunté entre Lukla et Namche, puis entre Namche et ici, et qui se prolonge jusqu'au Kala Pattar et au camp de base de l'Everest. C'est le circuit classique, le plus fréquenté et celui privilégié par les trekkeurs n'ayant que 15 jours de congés au total. C'est aussi le plus risqué car l'acclimatation doit être beaucoup plus rapide que ne le sera la nôtre. Il n'est guère étonnant par conséquent que davantage de randonneurs soient confrontés au mal d'altitude sur cette voie.

    De mon point de vue, il aurait aussi été dommage de venir ici sans pousser jusqu'aux joyaux que constituent les lacs de Gokyo. Les catalogues de voyage ont bien joué leur rôle à mon égard.

    Panneau directionnel

    10h15 : nous bifurquons sur le sentier menant vers Phortse et disons sans regret au revoir à la Highway. Nous la retrouverons au retour, mais d'ici là nous allons emprunter un sentier moins fréquenté. Le contraste est saisissant : le chemin se fait beaucoup plus étroit et la pente beaucoup plus raide. Le tempo est donné.

    Escaliers en pierre de Chipcho

    Des creux dans la végétation nous permettent d'apercevoir des passages vertigineux que nous allons devoir emprunter très prochainement. Et effectivement, nous y arrivons très vite. Mais, sous réserve d'être concentré, ça se passe finalement assez bien pour moi. Je peux même jeter un coup d'oeil sur le village de Kyangjuma où nous faisions étape il y a quelques minutes encore.

    Escaliers en pierre de Chipcho    Vue sur les villages de Chhatyang Kharka et Kyangjuma depuis les escaliers en pierre

    Escaliers en pierre de Chipcho

    10h30 : en haut de nos escaliers de pierre, nous contournons la montagne et découvrons un nouveau point de vue. Le paysage est le même que ce matin mais il a pourtant l'air différent : les nuages envahissent lentement le ciel, les villages de Phungi Thanga et de Phortse se sont bien entendu rapprochés, un 3ème village (Tengboche) a fait son apparition en haut de la forêt de rhododendrons et en contrebas de l'Ama Dablam, celui-ci est plus magistral que jamais.

    Panorama sur le haut Khumbu (Lhotse Shar, Ama Dablam) et les villages de Phungi Thanga et Phortse    L'Ama Dablam (6814m) et Tengboche (3860m)

    Nous amorçons une dernière montée avant d'atteindre Mong, notre point d'étape pour ce midi. Des porteurs nous dépassent dans la côte. Lourdement chargés comme ils sont, leur performance est impressionnante. Bien sûr ils sont plus acclimatés que nous et ils ont l'habitude de porter de lourdes charges, je n'en reste pas moins toujours admiratif.

    Sur le chemin vers Mong    Panorama sur le haut-Khumbu et l'Ama Dablam

    11h05 : Nous atteignons Mong. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un village au sens où nous l'entendons d'habitude. Je le définirais plutôt comme un ensemble architectural hétéroclite composé de lodges-restaurants, d'un stupa, de pierres mani et de drapeaux à prières. Cette localité est surtout le lieu de naissance du lama Sange Dorje, le premier lama à avoir vécu dans le Monastère de Tengboche (dont je parlerai dans un prochain article).

    Stupa, pierres mani et drapeaux à prière à Mong

    Le soleil brille dans le ciel mais il ne fait pourtant pas chaud. Le vent, un vent frais, souffle plutôt fort. Il agite les drapeaux à prières rattachés par une extrémité au stupa. En arrière-plan, de lourds nuages blancs qui n'ont cessé de grandir depuis ce matin commencent à masquer les sommets par intermittence.

    Après avoir pris soin de soulever pendant quelques secondes le chargement de nos jeunes porteurs afin de mieux apprécier leur vaillance et leur dextérité, nous nous asseyons sur un muret de pierres et nous reprenons notre contemplation. Lorsque le dernier membre de notre petit convoi nous rejoint, nous prenons place sur les chaises en plastique du lodge attenant. C'est le moment de prendre le déjeuner. 

    Nous reprenons la marche peu avant 13h et rallions quasi-immédiatement un col situé à 3973m d'altitude. Celui-ci offre une vue magnifique sur le village de Phortse installé juste en face. Le hameau semble construit sur un pan de montagne arasé comme si un géant l'avait limé pour accueillir le village. Entre lui et nous se dresse une profonde vallée au fond de laquelle coule une petite rivière. De part et d'autre, les pentes sont relativement inclinées et sont couvertes d'herbes rases, d'arbustes et de conifères. Plus loin sur notre droite, l'Ama Dablam joue à cache cache avec les nuages tandis que nous découvrons le village de Tengboche sous un nouvel angle. Nous apercevons aussi une infime partie du haut Khumbu couverte de forêt de conifères. Ce sera le chemin que nous emprunterons au retour de l'Everest Base Camp. C'est aussi celui que foulent la plupart des groupes de trekkeurs et que nous avons appelé la Everest Highway.

    Panorama sur Phortse (3810m), Tengboche, l'Ama Dablam et le haut-Khumbu depuis Mong

    Cinq minutes plus tard, alors que nous venons d'amorcer la descente du col, nous apercevons une espèce de bouquetin à quelques mètres de nous. L'animal possède un pelage touffu et deux grosses cornes. Il ne semble pas effrayé et se laisse facilement prendre en photo.

    Une espèce de bouquetin

    La descente qui suit est rapide, avec des vues parfois plongeantes sur les gorges situées en contrebas.

    La vallée de la Dudh Koshi Nadi aux pieds de Mong et Phortse

    Au bout d'une heure, nous parvenons sur les berges de la rivière Dudh Koshi Nadi et découvrons le pont qui l'enjambe. Les berges sont constituées d'éboulis et de rochers de tailles diverses. Elles s'étendent sur une centaine de mètres de large et sont bordées des deux côtés par des forêts qui grimpent sur les flancs des montagnes. Puis, la forêt s'arrête nette au-delà d'une certaine altitude et laisse la place à des arbustes et herbes sèches, en un mot à des sommets découverts.

    La Dudh Koshi Nadi, turquoise, s'écoule là, tantôt paisiblement, tantôt avec une frénésie causée par de menus obstacles. Les habitants ont su tirer partie des matériaux disponibles à cet endroit pour ériger les piliers du pont. Des rondins de bois y sont incrustés et supportent le poids de la passerelle faite à partir de planches de bois et de troncs.

    Un pont en bois enjambant la Dudh Koshi Nadi au niveau de Phortse Thanga (3680m)    Un pont en bois enjambant la Dudh Koshi Nadi au niveau de Phortse Thanga (3680m)

    Nous traversons le pont les uns après les autres, moi rapidement car je ne me sens pas très sûr de moi (vertige oblige) tandis que d'autres prennent la pause. Nous ne nous éternisons pas sachant que nous repasserons dans l'autre sens demain matin. Il nous faut maintenant grimper à nouveau : Phortse se trouve en effet sur une plateforme située 130m au-dessus de nos têtes bien qu'à portée de vue. 

    Le chemin serpente dans la forêt. Il fait chaud car nous sommes en plein effort et à l'abri du vent. Durant une bonne partie du trajet, nous pouvons voir la descente où nous étions il y a quelques minutes encore et une partie du trajet que nous effectuerons demain. Nous nous rapprocherons visiblement des nuages.

    La vallée de la Dudh Koshi Nadi aux environs de Phortse Thanga (3680m) et la descente depuis Mong    La vallée de la Dudh Koshi Nadi aux environs de Phortse Thanga (3680m)

    14h45 : Nous atteignons notre but de la journée, le village de Phortse situé à 3810m d'altitude. La transition entre la forêt et le hameau est brutale. A peine la pente s'est-elle atténuée que les arbres cèdent la place à des parcelles agricoles entourées de murets de pierres. Des femmes semblent y préparer la terre en vue de la prochaine récolte. Je remarque aussi que le travail semble collectif, communautaire puisque plusieurs femmes travaillent ensemble sur la même parcelle. Ca et là, quelques habitations se dressent isolées, mais la plupart d'entre elles sont concentrées à une bonne centaine de mètres.

    Le village de Phortse (3810m), ses champs et ses paysannes

    Nous empruntons un sentier étroit entre deux murets de pierre. Il mène vers le centre du bourg. Sur le chemin, deux yeux nous épient.

    Une jeune enfant observant depuis une fenêtre de sa maison - Phortse

    Le moins que l'on puisse dire, c'est que Phortse est un village traditionnel et authentique. L'habitat y est dispersé, les parcelles agricoles entourées de murets de pierre sont omniprésentes et couvrent la majorité du territoire de la "commune", un monastère se dresse dans la partie haute du hameau, toutes les constructions ont été érigées à partir des matériaux immédiatement disponibles, ... La localité est à l'image de Khumjung et Khunde dont nous avons déjà parlé dans l'article précédent, mais elle semble moins fréquentée par les touristes, plus "retirée du monde".

    Le village de Phortse et son monastère dans la montagne    Une habitation traditionnelle - Phortse

    Nous parvenons très rapidement au lodge dans lequel nous allons passer la nuit. Celui-ci est situé dans la partie basse du hameau. Construit en forme de L, il comporte un corps de logis de deux étages et quelques bâtiments annexes. Les douches et les sanitaires se trouvent dans ces bâtiments annexes et sont séparés du reste de l'hébergement. Pour la 1ère fois de notre trek, il faudra donc sortir à l'extérieur dans la nuit froide pour se rendre aux toilettes. Quand aux douches, elles semblent hors d'état de fonctionnement. Mais nous savions à quoi nous attendre en réservant ce voyage et l'essentiel nous suffit.

    La partie basse du village de Phortse vue depuis le lodge

    Nous rentrons dans le corps de logis par une porte située à l'angle du L. Il nous faut alors grimper un escalier pour déboucher sur la pièce de vie qui fait office de restaurant. Un couloir mène ensuite à nos chambres. Dorje nous briefe rapidement avant que nous prenions possession de nos chambres.

    B. et moi projetons d'aller faire un tour sur les hauteurs du village pour parfaire notre acclimatation. Lorsqu'on se trouve en haute altitude, il est en effet recommandé de monter à une altitude supérieure à celle où l'on dort, d'y rester un peu puis de redescendre. Cette démarche permet à l'organisme d'accélérer sensiblement la production de globules rouges, les globules rouges transportant l'oxygène vers le cerveau et les autres parties du corps. Cela favorise donc un meilleur sommeil et une meilleure récupération en général. Cela minimise surtout les risques de mal des montagnes qui peut avoir des conséquences très graves.

    Il faut aussi rappeler que la concentration de l'oxygène dans l'air diminue avec l'altitude. A 5500m par exemple (une altitude que nous atteindrons durant ce voyage), cette concentration sera de 55% alors qu'elle est de 100% au niveau de la mer. En d'autres termes, il faut pratiquement deux inspirations à 5500m d'altitude pour capter la même quantité d'oxygène qu'une seule inspiration apporte au bord de la mer. Dans ces conditions, tout mouvement peut vite se révèler véritablement physique et provoquer un essoufflement rapide. La prudence s'impose et un brin de raison (de modestie?) aussi. Pour plus de renseignements sur ces aspects, consulter le site : http://www.zonehimalaya.net/Expedition/altitude.htm.

     B. et moi envisageons de marcher en direction de la montagne qui se trouve derrière le village et de tenter d'atteindre la barre des 4000m si nous le pouvons. Nous commençons par traverser le village de bas en haut et rencontrons à la sortie de celui-ci de jeunes enfants en train de jouer au foot. Echanges de sourires, échanges de quelques balles, puis nous continuons car nous avons rendez-vous au lodge à 17h pour une promenade avec le groupe. Bon c'est vrai, ces quelques échanges de balle nous ont aussi un peu, enfin beaucoup essoufflés.

    Nous grimpons pendant près d'une heure jusqu'à la ligne de crêtes. La pente est parfois très raide et "casse-pattes" mais cela vaut le coup : nous nous extrayons lentement de la plateforme qu'occupe le village pour découvrir une nouvelle vue inédite de cette partie de la chaîne himalayienne. Les sommets prennent du relief du fait de leur plus ou moins grande proximité.

    Vue sur la vallée de la Dudh Koshi Nadi et les sommets environnants depuis la montagne surplombant Phortse    Le village de Phortse et les sommets environnants vus depuis la montagne surplombant le village

    Vue sur le village de Tengboche (3860m) et les sommets environnants depuis la montagne surplombant Phortse

    16h15 : Depuis la crête, notre vue embrasse une partie de l'itinéraire emprunté aujourd'hui (le village de Mong notamment sur la 2ème photo), mais nous apercevons aussi de l'autre côté le village de Tengboche. Celui-ci est séparé de nous par une vallée encaissée au pied de laquelle s'écoule une rivière.

    Durant la montée, nous avons également observé et approché quelques éléments caractéristiques des milieux montagnards en général, et de ce coin de l'Himalaya en particulier : des yaks paissant dans des pâturages à flancs de montagne, des cairns et des "refuges" en pierre. Mais ce qui attire véritablement notre attention, c'est une espèce de cimetière, invisible depuis Phortse et située juste au-delà des 4000m d'altitude.

    Chortens sur les flancs de la montagne surplombant Phortse (4065m)

    Il s'agit en fait d'un ensemble de chortens mais nous n'en saurons pas plus faute de guide. Nous faisons une halte à proximité pour profiter du beau panorama et du moment présent. Puis nous jetons un dernier coup d'oeil vers l'amont avant de rebrousser chemin. Il faut en effet rester raisonnable : même si nous avons envie de monter plus haut, il vaut mieux redescendre vers Phortse et ne pas brûler les étapes. Notre acclimatation et la réussite de notre trek sont à ce prix.

    Compte tenu de la pente, la descente est extrêment rapide. Tout au plus ralentissons-nous à l'approche des yaks pour ne pas les effrayer et provoquer une réaction imprévisible de leur part. Un peu plus bas, nous nous arrêtons à nouveau pour admirer la partie supérieure de Phortse et son monastère illuminés par un rayon de soleil. Nous regagnons tranquillement le village, puis notre lodge satisfaits de notre petite randonnée bonus.

    Un yak    La partie haute du village de Phortse et son monastère

    A 17h, Dorje, Pasang, Kaji et les 6 membres de notre groupe repartons pour une promenade dans le village. Nous commençons par gagner la partie haute du village à travers un lacis de ruelles matérialisées par des murs de pierres qui nous arrivent au bassin. Le vent souffle fort tandis que le ciel s'est obscurci. Dans ces conditions, le bourg pourrait apparaître sinistre mais ses habitants le rendent chaleureux. Ici, des villageois cultivant leur parcelle prennent le temps de nous sourire et de nous dire bonjour. Là un jeune enfant guette ces curieux "hommes pâles" qui parcourent le village. Plus loin, nous cédons la place à un vendeur ambulant et à son chargement hétéroclite.

    Le village de Phortse    Habitations et ruelles traditionnelles - Phortse

    Un jeune garçon observant depuis une fenêtre    Un vendeur ambulant

    Nous prenons un peu de hauteur par rapport au lodge et disposons d'une vue un peu plus panoramique sur le bourg. Sur notre droite, nous bénéficions par exemple d'un paysage champêtre aux teintes automnales : parcelles labourées ou en jachère, murets de pierre, quelques habitations traditionnelles, bosquets dont les arbres ont perdu leurs feuilles et sommets enneigés baignant dans les nuages.

    Champs et habitations - Phortse

    Nous arrivons très vite à l'entrée du quartier religieux. De part et d'autre du chemin s'élèvent deux piliers de pierre construits sur le même modèle que les murets dont nous avons déjà parlés. Puis la route se divise en deux branches entre lesquelles se dressent des chortens. Il nous faut les contourner par la gauche même si Dorje souhaite bifurquer à droite. Nous perdons Pasang dans l'opération, notre siddar souhaitant aller se recueillir au monastère.

    La partie haute du village de Phortse et ses chortens

    Quelques mètres plus loin, une femme âgée assise sur un promontoire nous adresse la parole avec un large sourire. Nous ne la comprenons malheureusement pas. Dorje nous indique qu'elle souhaite savoir ce que nous faisons. Je monte jusqu'à elle pour la saluer pendant que Dorje lui explique brièvement. Elle accepte avec plaisir que je la prenne en photo, photo que je lui montre ensuite. Elle semble amusée et me remercie alors que c'est en fait à moi de le faire. Quelle gentillesse !

    Une vieille femme sherpa très souriante

    Nous effectuons une dernière halte très rapidement pour admirer une spécificité architecturale sherpa : une porte d'entrée. Celle-ci est très petite, si petite qu'il faudrait probablement me plier en deux pour rentrer (j'exagère à peine). Elle comporte une barre de seuil qui empêche les mauvais esprits de rentrer à l'intérieur. Des symboles et sculptures bouddhiques ornent le haut de cet ouvrage.

    Porte d'entrée traditionnelle d'une habitation - Phortse

    La deuxième partie de la balade s'effectue en lisière du village sur la ligne de crètes. Nous disposons ainsi une nouvelle fois d'un panorama sur la région. Dorje veut surtout nous montrer un oiseau insolite habitant cet endroit : le lophophore resplendissant. Son plumage est très coloré et il se déplace en petit groupe mais est très craintif.

    Un lophophore resplendissant en bordure de Phortse

    Nous regagnons le lodge aux alentours de 18h. Nous nous préparons pour la nuit en sortant nos duvets, faisons un brin de toilette (à l'aide de lingettes, très utiles quand il n'y a pas de douches), regagnons la pièce principale. Le diner est servi tôt car les sherpas se couchent tôt. Nous avons néanmoins le temps de faire quelques parties de UNO avant l'extinction des feux. A demain.


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  • Cet article est le deuxième d'une série consacrée à une expédition kayak au Spitzberg, dans l'Arctique norvégien. Nous présenterons ici en 3 points cette contrée sauvage et largement méconnue, digne des romans de Jack London. 

    Le Spitzberg est le nom de la plus grande île de l'archipel du Svalbard. Il est situé à 637 kilomètres du Cap Nord, le cap le plus septentrional de la Norvège, et à 1 020 kilomètres au-dessous du Pôle Nord, entre 74° et 81° de lattitude nord. Plus que les mots, la carte ci-dessous vous permettra de mieux localiser cette île.

     Carte du Spitzberg

    Le Spitzberg est l'un des derniers territoires sauvages de la planète

    Seulement 2 510 habitants peuplaient les 39 000 km² de l'île en 2011, essentiellement des Norvégiens et des Russes. Si on ajoute que parmi eux, 2 020 habitaient la capitale Longyearbyen et 420 la ville russe de Barensburg, on se rend immédiatement compte de la très faible densité de peuplement de cette terre. Où vivent le reste des habitants ? Dans de petits hameaux parfois abandonnés, dans une des bases scientifiques de l'île ou dans une cabane de trappeurs. Vous pouvez donc passer des journées entières sans croiser le moindre être-humain.

    L'Adventfjord et la ville de Longyearbyen    Le centre-ville de Longyearbyen, les montagnes de l'Adventfjord et Adventdalen

    La montagne (939m) et la ville de Pyramiden au fond du Billefjord    Une cabane de Harald l'un des derniers trappeurs du Spitzberg - Dicksonland

    La Nature est reine au Spitzberg : mers, glaciers, montagnes, fjords et toundra composent l'essentiel du paysage. Les troncs d'arbres échoués sur les plages et provenant de Sibérie sont également omiprésents. Impossible donc d'échapper à cette nature sauvage où que vous vous trouviez sur l'île. 

    La plaine de Sauriedalen et Siklarhallet couvertes de toundra, le Kapp Thordsen et la rive sud de l'Isfjord vus depuis Tschermakfjellet    Le glacier Nansen

    Les traces d'occupation humaine restent globalement assez restreintes et les infrastructures sont réduites au strict minimum. L'île ne possède par exemple qu'une seule véritable route qui relie la capitale à l'aéroport. Partout ailleurs, il faut emprunter un avion, un bateau ou une motoneige pour se déplacer d'un point à un autre. Cela ne doit pas amener à penser que l'ensemble des habitants vivent dans des conditions drastiques. Ceux de la capitale bénéficient par exemple d'un supermarché, d'un centre commercial, d'établissements scolaires dont une université, d'établissement de santé et même d'un hôtel Radisson. Pour les autres, la vie est un peu plus ... rude.

    Motoneiges devant le glacier de Longyear - Vue depuis Nybyen    L'UNIS (Université du Svalbard et musée)

    Dans ce contexte, le raid kayak de 18 jours auquel j'ai participé en août 2011 nécessitait une logistique assez lourde couplée à l'expérience indiscutable de l'agence Svalbard Nature. Les 12 autres participants et moi-même devions en effet être autonomes durant les 6 premiers jours de notre voyage. Un dépôt nous permettait alors de nous ravitailler et de reconstituer nos stocks pour être autonomes 12 jours supplémentaires. Nous disposions à cette fin de nourriture en abondance (des pâtes et du riz bien sûr, mais aussi des boites de conserve et de la nourriture lyophilisée, des denrées à durée de conservation suffisamment longue et peu périssables, ...), de tentes, d'un réchaut et de pétrole, d'outils, d'un téléphone satellite, ... Pourquoi d'outils ? Dans chaque camp, il nous fallait utiliser scies et marteaux pour construire à partir des troncs d'arbres échoués un mobilier sommaire mais indispensable (bancs et tables). A plusieurs reprises, nous avons enfin passés plusieurs jours sans croiser la moindre personne. Nous ne devions donc pouvoir compter que sur nous-mêmes (et sur le téléphone satellite en cas d'urgence).

    Installation de notre campement à proximité de Hagahytta    Haute gastronomie (flageollets et sauce) sur réchauds

    Notre dernier campement à Brucebyen au pied des montagnes Campbellryggen    Préparatifs en attendant le Polargirl - Brucebyen

     

    Le Spitzberg est un lieu magique

    La magie de ce territoire provient tout d'abord de ses paysages insolites : fjords, glaciers, icebergs et blocs de glace à la dérive, phoques et rennes. Autant d'éléments qui font partie de notre imaginaire lorsque nous pensons au Grand Nord. Autant d'éléments que nous avons tous entraperçus au moins une fois dans les livres ou dans les documentaires sur les régions polaires. Se rendre au Spitzberg, c'est donc accéder, pénétrer, découvrir, observer, écouter, ressentir, expérimenter cet univers si différent du nôtre.

    Un phoque barbu se prélassant sur un bourguignon devant le glacier Esmark    Un phoque barbu se prélassant sur un bourguignon devant le glacier Esmark

    La toundra à Idodalen au pied de Kongressfjellet    L'entrée du Billefjord et ses montagnes

    Mais la magie ne s'arrête pas là. Le Spitzberg est aussi une contrée du globe où se produisent des phénomènes naturels exceptionnels pour la plupart des habitants du globe. Combien d'entre vous ont en effet déjà assisté à la nuit polaire ou au soleil de minuit ? Concernant la première, il faut imaginer une terre où le soleil se couche un soir du début du mois de novembre pour ne plus se lever que trois mois et demi plus tard (la nuit polaire ou période d'obscurité durant environ un mois de moins). Pour ce qui est du soleil de minuit, que nous avons eu la chance d'expérimenter durant l'expédition, c'est tout le contraire : le soleil ne se couche jamais depuis la mi-avril jusqu'à la mi-août. 24h de jour en perspective. Je n'ai donc jamais vu la nuit durant mon séjour. Je suis arrivé à Longyearbyen le 7 août et le soleil n'est descendu pour la première fois sous la ligne d'horizon que le 23 août. Mais même le 23 août, il n'y avait pas de nuit (il fait encore jour en France quand le soleil vient juste de disparaître derrière la ligne d'horizon).

    Vue sur le Nordfjord, le glacier Svea et Mediumfjellet depuis Tschermakfjellet    Vue sur le Nordfjord, le glacier Svea et Mediumfjellet depuis Tschermakfjellet

    (photos prises à 2h52 le 20/08 et 00h30 le 22/08)

    La principale conséquence du "soleil de minuit" (et de la nuit polaire par prolongement) est la perte des repères temporels. Durant l'expédition, nous nous sommes forcés à nous défaire de nos montres ou à ne plus en tenir compte. Personnellement, j'étais dans la deuxième situation. J'ai en effet souhaité garder la mienne pour consigner deux fois par jour dans mon carnet de voyage nos horaires de lever et de coucher. Mon objectif : observer la rapidité ou non avec laquelle nous abandonnions notre rythme de vie artificiel pour nous caler sur un rythme biologique plus naturel. J'ai toujours été étonné par cette perte de repères chez les personnes qui se retrouvaient coincées quelques jours dans des grottes ou des mines. Se livrer à cette expérience de manière volontaire a été incroyable et stupéfiant. Voici mes relevés pour 3 journées du raid :

    - le 2nd jour, nous nous sommes levés à midi et nous sommes couchés à 2h le lendemain matin.

    - le 10ème jour, nous nous sommes levés à 19h30 et nous sommes couchés à 10h20 le lendemain matin.

    - le 14ème jour, nous nous sommes levés à 8h40 et nous sommes couchés à 4h40 du matin le lendemain matin.

    Verdict : aucune régularité mais au contraire des périodes de veille et de sommeil variables d'un jour sur l'autre. Et une inversion assez rapide entre vie "diurne" et vie "nocturne" alors même qu'il n'y a pas de décalage horaire avec la France.

    Le Spitzberg est un milieu hostile

    Quelques jours avant mon départ, le 5 août précisément, un jeune Britannique a été tué par un ours blanc affamé. Les faits se seraient déroulés de la manière suivante d'après ce qu'a pu entendre mon guide : un groupe de jeunes Anglais effectuaient un séjour en autonomie dans l'Isfjord (la région autour de Longyearbyen). Chaque soir, ils montaient leur campement et entouraient celui-ci avec un filin relié à un système d'alarme. En théorie, tout ours qui traversait le camp tirait obligatoirement sur le filin en le franchissant et déclenchait automatiquement l'alarme. Les campeurs avaient alors le temps de récupérer une arme pour se protéger et effrayer le visiteur indésirable. Malheureusement, le système n'a pas fonctionné ce jour-là. L'ours s'est dirigé vers une tente probablement attiré par un peu de nourriture et s'est attaqué à la victime. La personne à côté de la victime n'a rien pu faire car l'arme qu'elle avait à sa disposition n'était pas chargée donc pas prête à l'emploi. Un enchainement d'évènements malheureux aux conséquences tragiques.

    Rappelons qu'avec le réchauffement climatique, les glaces du Pôle Nord reculent de plus en plus année après année. Le phénomène est tel que les scientifiques estiment que la banquise disparaitra totalement l'été dans un avenir proche. Chaque année, des ours blancs se retrouvent ainsi prisonniers sur les îles du Spitzberg à cause du recul soudain de la banquise. Privés de leur garde-manger et de leur territoire de chasse, ils doivent donc passer l'été sur des terres pauvres en proies. Ils sont donc exposés de façon plus récurrentes à des épisodes de famine qui les fragilisent, les rendent plus agressifs et les incitent à se rapprocher des zones habitées.

    Icebergs et bourguignons dérivant dans Nordfjord    Restes d'une carcasse d'ours blanc dévorée par les renards pendant l'hiver

    L'ours polaire est par ailleurs le plus grand prédateur de la planète. Doté d'un odorat très développé, il est capable de détecter une proie à une très grande distance. Il faut ensuite louer sa grande intelligence qui le conduit par exemple à nager et plonger sous l'eau sur de très grandes distances afin de capturer sa proie par surprise. Certains ours auraient même parcouru plusieurs dizaines de kilomètres en nageant pour trouver de la nourriture.

    Une empreinte d'ours blanc

    Au Spitzberg, l'ours blanc peut être partout n'importe quand. C'est pourquoi les visiteurs ont besoin d'une autorisation spéciale du gouverneur de l'île pour quitter la capitale et d'un permis de port d'arme. Ils doivent emporter et porter en permanence une arme lorsqu'ils se déplacent. Bien sûr, il faut ensuite être prudent tout au long de la journée et en tout lieu ... même la nuit. Durant l'expédition, les 11 autres participants et moi-même devions monter à tour de rôle la garde une heure durant chaque nuit afin de protéger notre camp. Pour notre guide, seule la vigilance humaine (ou d'un chien) garantit la sécurité, la technologie souffre toujours de failles comme l'illustre la tragédie que nous venons d'évoquer. Les rôles étaient ainsi inversés : nous étions les proies, les ours les prédateurs. Insolite mais surtout effrayant. Avez-vous eu déjà la responsabilité de 12 autres vies ?

    Notre troisième campement à Boremorenen (avant le cap Ratagen)    Le Nordfjord, Mediumfjellet, le glacier de Svea et notre quatrième campement sur la moraine du glacier

    Pour terminer sur une note plus humoristique, je dirai que l'animal le plus agressif n'était cependant pas l'ours blanc mais les sternes. Ce sont des oiseaux extrêmement territoriaux qui nous attaquaient de leur bec en piquant droit sur nous en rafale dès que nous traversions leur territoire. Douloureuse expérience !


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  • Information : Cet article est la deuxième partie d'un carnet de voyage consacré à un trekking dans la région du Haut-Khumbu au Népal. La destination finale ? Rien de moins que le camp de base de l'Everest côté népalais. Suivez ici la phase d'acclimatation dans la capitale du pays sherpa et ses environs.

     

    Namche Bazar... Ce nom ne vous évoque probablement absolument rien, et vous seriez bien incapable de le placer sur une carte. Cette localité se situe pourtant dans une des zones les plus mythiques de la planète : le Parc National de l'Everest ou Sagarmatha National Park.

    Perchée à 3 440m d'altitude, au fond d'une vallée du nord-est du Népal, Namche Bazar est officiellement la capitale du pays sherpa, du nom de cette ethnie de porteurs qui a accompagné les plus grands alpinistes dans leur conquête du toit du monde. Tensing Norgay en est son plus illustre représentant puisqu'il a participé à la conquête de l'Everest conjointement avec le Néo-Zélandais Sir Edmund Hillary le 29 mai 1953.

    Namche Bazar est située dans une dépression en forme de fer-à-cheval, ce qui donne une physionomie singulière à cette localité. Les pentes étant en effet très prononcées, les habitants ont été contraints de construire un ensemble de terrasses avant de pouvoir édifier la cité. Les habitations, les commerces et les bâtiments officiels prennent directement appui sur ces ouvrages. De même que les champs. Des escaliers et quelques rues en pente viennent relier ces différents étages. Autant dire que traverser la ville requiert une certaine forme physique.

     Namche Bazar vue depuis la ville basse (3440m)    Namche Bazar et la chaîne du Chamunaparo Danda

    Au-delà de sa physionomie, c'est aussi le cadre dans lequel est située la ville qui interpelle le visiteur. Celle-ci est en effet entourée (à une distance plus ou moins proche) de hauts sommets, parfois couverts de neiges éternelles. Point de ligne d'horizon ici; nous sommes dans une région où la verticalité est reine. Nous sommes encore loin des "7000" et "8000" - appellations faisant référence à l'altitude des sommets de la région -, et pourtant nous nous sentons déjà tout petits, comme écrasés par des masses qui nous surpassent. On se sent forcément vulnérable et fragile. Dans le même temps, ces reliefs qui se dressent dans les quatre directions captivent, fascinent, envoûtent.

    Vue sur Namche Bazar et les sommets environnants dont le Thamserku et le Kangtega   Le Thamserku (à droite - 6618m) et le Kangtega (à gauche - 6783m) vus depuis Namche Bazar

    Le Nupla (5885m) vu depuis Namche Bazar

    Au-delà de ce premier ressenti, la perception s'affine. On parvient alors à capter plus finement certains détails jusque-là passés inaperçus : l'architecture des bâtiments, l'articulation de la cité, des scènes de la vie quotidienne des habitants, ...

     La ville haute de Namche Bazar et le Kusumkhang Karda (6370m)    Quatre habitants de Namche Bazar 

    Il est 16h15. Il reste encore un peu moins de deux heures avant la nuit. Nous décidons donc de gravir à trois la montagne qui surplombe Namche Bazar. Nous disposerons ainsi d'un aperçu sur les spécificités de la cité que nous venons de décrire, et avec un peu de chance aussi, nous apercevrons peut-être pour la première fois le sommet de l'Everest.

    Nous gagnons à pied le point culminant de la ville, aisément repérable à son gigantesque rocher mani (rocher sur lequel sont gravées en relief de nombreuses inscriptions religieuses). Nous passons un portail et nous retrouvons au pied d'une montée très raide. L'ascension débute, lentement.

    16h30 : nous faisons une première halte pour prendre le temps de regarder le paysage. A nos pieds s'étendent les dernières constructions de Namche Bazar, ainsi que des champs encerclés par des murets de pierres et des bosquets. En arrière-plan, des montagnes évidemment. Leurs flancs plongent de façon vertigineuse dans une vallée fluviale tandis que leur sommet est occulté par les nuages. De temps en temps, une éclaircie dévoile de manière très brève un sommet enneigé.

     Champs et montagnes en périphérie de Namche Bazar 

    17h : nous approchons du sommet, le souffle court, le coeur palpitant. Mais tout va bien. Il "suffit" de gérer son effort et de savoir faire des pauses. Un coup d'oeil rapide en arrière nous permet de mesurer le chemin parcouru ces dernières minutes.

     Nupla (5885m), Shar (Tartikha 6186m) et Kongde Ri (6086m) au-dessus de Namche-Bazar

    Nous contournons un lodge offrant une vue à 360° sur les sommets himalayiens, l'Everest Sherpa Resort. Une dernière (petite) montée et nous parvenons sur un belvédère. Une chose est sûre : nous ne verrons pas les plus beaux sommets aujourd'hui en raison des nuages. Demain peut-être...

     Vue sur la vallée de la Dudh Koshi Nadi depuis le sommet au-dessus de Namche Bazar    Sentier conduisant vers Khumjung depuis le sommet au-dessus de Namche Bazar

    Le paysage est néanmoins impressionnant. Regardez par exemple sur la dernière photo le nombre de sentes en amont et en aval du sentier principal. Elles semblent dessiner une frise sur la montagne tout en témoignant du passage des nombreuses caravanes de yaks qui parcourent la région. Regardez encore sur les photos ci-dessous les crêtes acérées et couvertes de glace des sommets environnants, l'épais manteau nuageux qui vient en magnifier la beauté tout en ajoutant un zeste de mystère, les pentes vertigineuses et les cascades sans fin. Nous sommes bien dans un autre monde.

    Un sommet enneigé aperçu depuis le sommet au-dessus de Namche Bazar (probablement le Khumbi Yul Lha - 5765m)    Une cascade dévalant une montagne

    Vue plongeante sur le Tenzing Norgay Memorial Stupa

    17h15 : nous redescendons sur Namche avant que la nuit ne tombe. En chemin, nous admirons la vallée de la Dudh Koshi Nadi qui nous fait face. C'est elle que nous avons parcouru pendant deux jours.

    Vue sur la vallée de la Dudh Koshi Nadi depuis le sommet au-dessus de Namche Bazar

    La descente est rapide et se fait pour l'essentiel par le même chemin qu'à l'aller. Nous disposons pendant un petit moment d'une belle vue en contre-plongée sur Namche Bazar. Magnifique ! Mais nous y reviendrons un peu plus tard.

    Puis nous rejoignons l'Himalayan Culture Lodge où nous passerons la nuit. C'est un lodge simple et rustique comme nous l'avons déjà vu. Il n'y fait guère très chaud dans les salles communes comme dans les chambres. Ce n'est pas pratique pour faire sècher nos affaires trempées par la pluie de cet après-midi. En revanche, il y a tout le nécessaire : un lit, un bon duvet pour se protéger du froid (ça promet pour les prochains jours en altitude), une bonne douche (chaude à partir du moment où je suis passé le premier pour purger l'eau froide) et un repas revigorant. Dorje, le guide, vient clore la soirée par un briefing sur la journée du lendemain. Le réveil est fixé à 6h35 et le départ à 8h. Bonne nuit.

      

    Mercredi 20 avril 2011 : Namche Bazar et sa région

    6h35 : Le réveil sonne et Pasang notre siddar vient frapper à notre porte. Une nouvelle journée débute, une journée d'acclimatation. Il est en effet indispensable lorsqu'on part en haute montagne de prévoir des journées de ce type afin de permettre à nos organismes de s'adapter à la raréfaction de l'oxygène. On réduit ainsi les risques de souffrir du mal d'altitude. Il faut dire que nous étions à peu près au niveau de la mer samedi dernier, que nous sommes arrivés à Kathmandou (1365m d'altitude) dimanche, à Lukla (2860m) et Phakding (2640m) lundi, enfin à Namche Bazar (3440m) hier. Aujourd'hui, il est donc utile de s'acclimater.

    Nous n'allons pas pour autant rester inactifs : nous allons grimper un peu plus haut jusqu'à Khumjung et Khunde avant de redescendre dormir à Namche. Là encore, l'objectif est de permettre à notre corps de fabriquer des globules rouges qui nous permettront de mieux supporter la raréfaction de l'oxygène. 

    Pour plus d'informations à ce sujet, je vous renvoie au très bon site : http://www.zonehimalaya.net. Il vous suffit d'aller consulter la rubrique "Mal d'altitude" dans le carnet pratique.

    Nous faisons un brin de toilette, bouclons nos sacs et filons prendre le petit déjeuner.

    8h : Nous rejoignons la terrasse devant le lodge pour boucler les préparatifs. La journée s'annonce radieuse et la vue est à couper le souffle :

    Namche Bazar, la chaîne du Chamunaparo Danda et le Nupla (5885m)    Namche Bazar et le Kusumkhang Karda (6370m)

    Peinture bouddhiste et Kongde Ri (6086m)

    Sommets enneigés, drapeaux à prières flottant au vent, monastère et peinture bouddhiques, et un ciel si bleu, si pur, débarrassé des lourds nuages d'hier. Derrière nous, sur un petit chemin, une femme sherpa en tenue traditionnelle se rend au champ. Tout est serein, tout est paisible comme si le temps était suspendu.

    Une femme sherpa dans les terrasses au-dessus de Namche 

    8h15 : Dorje donne le signal du départ, le convoi s'ébranle. La première partie correspond précisément au trajet que nous avons effectué hier soir en comité restreint : la pierre mani géante puis la montée relativement raide (400m de dénivelé positif). Mes deux compagnons d'escapade et moi-même avons un léger avantage sur les 3 autres trekkeurs du groupe car nous pouvons doser notre effort et notre allure.

    8h50 : Nous faisons une halte dans la montée pour observer une nouvelle fois la topographie singulière de Namche Bazar. La photo ci-dessous permet de s'en faire une idée plus précise tout en venant illustrer les 4 premiers paragraphes de cet article.

    Vue plongeante sur Namche Bazar et la chaîne du Chamunaparo Danda

    Nous mettons 45 minutes pour rallier la ligne de crête depuis la pierre mani, nos compagnons de route un peu plus. Une nouvelle pause s'impose pour reprendre son souffle et ralentir son rythme cardiaque. Pour s'imprégner du paysage aussi. Puis l'ascension reprend jusqu'à l'Everest Sherpa Resorts d'abord, jusqu'au belvédère ensuite.

    9h30 : Nous arrivons à la même plateforme qu'hier soir, mais cette fois les nuages ont disparu. Le panorama est une nouvelle fois à couper le souffle : quelques-uns des plus hauts sommets du monde se dressent devant nos yeux. De gauche à droite : le Tawoche, le Tabuche Peak, le Nuptse, l'Everest, le Lhotse, le Lhotse Shar et l'Ama Dablam.

    Panorama sur le haut Khumbu (Tawoche, Tabuche Peak, Nuptse, Everest, Lhotse, Lhotse Shar, Ama Dablam) et la vallée de la Dudh Koshi Nadi    Panneau d'information de l'Everest Sherpa Resorts

    Nuptse (7864m), Everest (8848m) et Lhotse (8516m)    L'Ama Dablam (6814m)

    Nous restons un bon quart d'heure à profiter de cet incroyable panorama, et puis la marche reprend. Direction le village de Khumjung. Nous suivons un sentier à flanc de montagne et le moins que l'on puisse dire, c'est que nous ne sommes pas vraiment les seuls. Je comprends maintenant pourquoi les guides de voyage parlent du trek vers le camp de base de l'Everest comme d'une autoroute. Pourtant cela ne me dérange pas car la beauté du paysage capte toute mon attention.

    Forts dénivelés    L'Ama Dablam (6814m)

    Pasang sur le sentier conduisant à Khumjung depuis Namche Bazar    Sentier conduisant à Khumjung depuis Namche Bazar

    10h : Nous débouchons sur une sorte de mini-plateau qui conduit en quelques minutes à une espèce de refuge et restaurant d'altitude. Curieusement, la plupart des autres randonneurs s'arrêtent là si bien que nous croisons moins de monde après lui. Le paysage change lui aussi puisque nous pénétrons dans une forêt de pins clairsemée. Dans le ciel, les nuages commencent à occulter les sommets parfaitement dégagés il y a encore une vingtaine de minutes. Mais il fait toujours très beau.

    Panorama depuis le sentier conduisant à Khumjung (Tengboche, Ama Dablam, Lhotse Shar, Lhotse, Everest et Nuptse)

    Un couple d'espagnols et leur guide népalais arrivent à notre hauteur. Nous engageons la conversation en espagnol et en anglais. Eux-aussi sont en phase d'acclimatation aujourd'hui, mais la leur va durer beaucoup plus longtemps étant donné qu'ils envisagent de gravir un des géants qui se trouvent en face de nous (je ne me souviens plus lequel exactement). Plusieurs mois leur seront nécessaires pour tenter d'atteindre leur objectif. Ils devront auparavant enchaîner de nombreuses ascensions et de nombreuses phases d'acclimatation forcées pour préparer au mieux leur organisme. Leur ascension se fera par pallier et sera parfois suivie de plusieurs semaines d'acclimatation au camp de base. A mon grand étonnement, ils m'expliquent qu'avant l'ascension finale, ils devront grimper jusqu'à quelques centaines de mètres du sommet puis redescendre au camp de base. Quelle aventure !!!

    10h15 : Alors que nous poursuivons notre marche dans la forêt, Dorje nous montre dans une trouée les villages de Khumjung et Khunde qui se trouvent un peu plus loin en contrebas. Nous découvrons ainsi pour la première fois nos destinations de la journée. De prime abord, ces villages me semblent authentiques et à l'écart de "l'autoroute". Ils sont nichés au creux d'une petite vallée et au pied du Khumjung Chamga.

     Vue sur les villages de Khunde (au fond - 3840m) et de Khumjung (à droite - 3780m) et sur le Khumjung Chamga 

    Moins de dix minutes plus tard, nous sortons de la forêt et aboutissons à un chorten. Des dzos broutent en contrebas. Nous lançons un dernier regard vers les sommets et amorçons notre descente vers Khumjung. Plus nous nous en rapprochons, plus je suis surpris par son étendue. L'habitat y est très dispersé avec de multiples enclos de pierre vides.

     Un chorten devant l'Ama Dablam, le Lhotse Shar et le Lhotse    Le village de Khumjung (3780m) et celui de Khunde (3840m - au fond)

    10h35 : ça y est, nous pénétrons dans Khumjung, l'ancienne capitale des Sherpas. Cette localité, fondée il y a près de 500 ans, est blottie à 3 790m d'altitude au pied d'une montagne. Malgré son âge honorable, elle semble avoir échappée à l'emprise du temps comme en témoigne les scènes auxquelles nous assistons dès les premières minutes. Celles-ci auraient vraisemblablement pu se dérouler il y a un siècle ou deux si l'on occulte certains détails comme les vêtements des hommes sur les deux dernières photos.

    Des femmes sherpas transportant du bois    Deux dzos dans une rue de Khumjung

    Un villageois contournant un mur mani par la gauche

    Cette impression d'authenticité résulte selon moi d'un usage généralisé de la pierre. Elle est le matériau de base ici, un matériau naturel qu'on trouve en abondance tout autour du village. Il suffit de se servir. Les habitants ont su tirer parti de cette ressource immédiatement disponible et continuent d'en profiter aujourd'hui. Ils ont développé un certain savoir-faire dans ce domaine et profitent des propriétés de ce matériau (notamment calorifiques). Ils ont ainsi érigé un grand nombre de murets pour délimiter leurs champs, les zones d'habitation et même les axes de circulation à l'intérieur de la ville. Ils ont aussi utilisé cette pierre pour construire leurs maisons et jusqu'à leurs monuments religieux.

    Peu de concessions ont donc été faites à la "modernité", à l'exception des toits de tôles ondulées, plus résistants et plus durables. Même les rues sont en terre battue comme autrefois. Le résultat est sous nos yeux : un hameau parfaitement intégré à son environnement et relativement écologique.

    Le village de Khumjung au pied du Khumjung Chamga    Vieilles femmes sherpas traversant le village

    L'impression d'authenticité émane aussi des habitants eux-mêmes et de leur mode de vie. A l'entrée du village tout à l'heure, nous avons remarqué ce convoi de cinq femmes de retour de la corvée de bois. Elles portaient chacune sur leur dos une espèce de double hotte remplie de brindilles. Un bandeau apposé sur leur front permettait de mieux supporter la charge que l'on devinait lourde à leur position courbée. Un peu plus loin, un homme guidait trois dzos dans une ruelle de Khumjung, un homme plus âgé contournait par la gauche un mur mani, quelques vieilles femmes sherpas en costume traditionnel passaient devant de petites échoppes touristiques, enfin une fillette jouait tranquillement en plein milieu de la rue.

    11h : Nous pénétrons dans un restaurant traditionnel situé non loin de l'école du village. Nous y faisons une courte halte pour déposer nos sacs à dos et nous réhydrater. Puis Dorje procède à un court briefing : nous allons gagner la partie "haute" de Khumjung pour visiter le monastère bouddhique ou gompa du 17ème siècle. Finies les paroles, place aux actes...

    Nous empruntons une succession de ruelles en terre battue. De part et d'autre, des murets de pierres, et derrière eux, des champs en attente d'être cultivés ou des habitations. Il faut ici préciser que les maisons traditionnelles sherpas comportent en général deux étages. Le rez-de-chaussée est réservé aux animaux et est un lieux de stockage, d'entreposage tandis que l'étage supérieur est le véritable lieu de vie. Le mobilier est assez limité : des ustensiles de cuisine, des banquettes, des coffres, un poêle pour ne citer que ce qui est le plus courant. A noter, le feu est sacré au Népal. Il faut donc s'abstenir d'y jeter ses déchets (y compris dans le poêle qui occupe le plus souvent le centre de la pièce principale).

    Les ruelles étant étroites, nous sommes parfois contraints de nous ranger sur le côté ou de faire un petit demi-tour pour laisser passer quelqu'un.

    Transport de deux poutres en bois    Un villageois dans une rue de Khumjung

    Une rue avec ses maisons traditionnelles sherpas

    11h35 : Nous parvenons devant le gompa constitué d'un bâtiment principal et de plusieurs constructions annexes. Des drapeaux à prières suspendus aux arbres flottent au vent.

     Le gompa (monastère) de Khumjung

    Chacun des édifices secondaires abrite des moulins à prières de différentes tailles et en nombre variable : certains moulins sont encastrés dans des niches alors que d'autres sont abrités au coeur même des constructions et il est possible d'en faire le tour à pied. Ca et là, entre deux bâtiments, se dressent parfois des pierres mani. Un petit rappel : il faut systématiquement passer à gauche de ces objets sacrés (c'est-à-dire dans le sens cosmique) et donc tourner les moulins avec la main droite.

    De même, il faut normalement contourner les temples et monuments par la gauche jusqu'à se trouver devant la porte d'entrée ... sans oublier au passage de tourner les dizaines de moulins à prières qui se trouvent encastrés dans leurs murs. Cela permet de réciter des milliers de prières simultanément et d'accroître les mérites du croyant. Il faut ensuite se déchausser avant de pénétrer dans le lieu de culte et faire une offrande de quelques roupies au sanctuaire. Ces coutumes sont bien sûr valables à Khumjung comme ailleurs, mais les Népalais se montrent très tolérants envers les touristes occidentaux et les non bouddhistes dès que ceux-ci se montrent respectueux de leurs croyances.

    Nous pénétrons dans le bâtiment principal du gompa par une petite porte et débouchons dans une petite cour intérieure. Celle-ci est actuellement en réfection, des dalles de pierre étant posées sur le sol. Le corps du monastère se dresse devant nous.

    La cour intérieure du gompa de Khumjung en cours de réfection

    J'observe d'abord ces murs de pierres enduits de chaux et peints en rouge, ces fenêtres et ces boiseries uniquement au 1er étage, ces tentures déjà observées à l'extérieur de l'édifice, ces colonnes finement ouvragées et décorées, ainsi que le toit en tôle ondulée qui tranche avec le reste. Je remarque ensuite cette grille entrouverte à l'entrée du temple de laquelle pend un cadenas. Dorje nous explique sa présence : un villageois garde le temple toute la journée mais le temple reste sans surveillance la nuit. Son gardien ferme donc la grille avec un cadenas à la tombée de la nuit afin de protéger les divinités qui se trouvent à l'intérieur. Plus encore, il prend soin de vider et de retourner tous les vases présents sur l'autel avant de fermer la grille. L'eau qu'ils contiennent ne peut donc pas être empoisonnée durant la nuit et porter atteinte par suite aux divinités. Je concluerai en disant que c'est au travers d'anecdotes de ce type que se révèlent la complexité et la richesse des croyances locales.

    Nous pénétrons ensuite dans le coeur du sanctuaire. L'aspect le plus marquant est sans aucun doute le foisonnement d'objets de culte qui se trouvent à l'intérieur : statues, écharpes, tentures, étoffes, bougies, livres et étagères de bibliothèque, objets et mobilier sacrés remplissent pratiquement toute la pièce. L'agencement du lieu parait pourtant assez simple : un autel et un espace de prières délimité par des bancs très bas font face à la porte d'entrée tandis que des bibliothèques contenant de nombreux livres ont été placées le long des murs de la pièce.

    Autel et statues dans la partie centrale du gompa de Khumjung    Etagères pour les livres sacrés et une statue dans la partie latérale droite du gompa de Khumjung

    Vue d'ensemble de l'intérieur du gompa de Khumjung

    Dorje nous apprend que le temple dans lequel nous nous trouvons est rattaché au courant du bouddhisme Mahayana ou "Grand Véhicule". "Au bouddhisme quoi ???" me direz-vous sans doute ? Il me semble donc nécessaire d'ouvrir une brève parenthèse sur le bouddhisme pour y voir un peu plus clair (je vous présente d'avance mes excuses pour les imprécisions).

    ***

    Fondé il y a environ 26 siècles par le siddharta Gautama, le bouddhisme est une religion pour les uns, une philosophie pour les autres. Quel que soit le point de vue, il est basé sur les enseignements du Bouddha historique qui a atteint l'Illumination après avoir eu une profonde prise de conscience et mené une longue réflexion sur la vie, la mort et les conditions de l'existence. Concrètement, le bouddhisme prône l'extinction des illusions et désirs, causes de la souffrance, afin de pouvoir atteindre l'éveil.

    Deux grandes conceptions co-existent par la suite :

    - dans le bouddhisme théravada, l'éveil correspond à la compréhension parfaite et à la réalisation des "quatre nobles vérités". L'homme éveillé atteint l'Illumination aussi appelé nirvana et échappe de ce fait à la souffrance lors de sa mort et au cycle des réincarnations.

    - dans le bouddhisme mahayana, l'éveil est en quelque sorte accessible à tous. Chaque homme peut en effet accéder à l'état de Bodhisattva, ceux-ci étant des êtres ayant atteint l'Illumination mais qui y renoncent pour aider les autres à parvenir à leur tour à cette Illumination. Le monastère de Khumjung est rattaché à ce second courant.

    ***

    Revenons à présent au mobilier du temple évoqué plus haut, et d'abord aux étagères remplies de livres sacrés qui ornent quasiment tous les murs de la pièce. Le nombre d'ouvrages sur ces étagères est en effet impressionnant.

    Etagères pour les livres sacrés dans la partie latérale gauche du gompa de Khumjung

    Ceux-ci ne sont pas rangés n'importe comment. Au contraire, ils obéissent même à une logique bien précise : les livres sacrés et ceux sur les cérémonies sont rangés d'un côté du monastère, les livres d'interprétation de l'autre. Tous les moines ont accès à tous ces livres sacrés mais seuls les plus âgés seraient en mesure de les comprendre. Dorje avance le chiffre de 20 années avant de pourvoir appréhender pleinement le contenu de ces écrits.

     

    Outre les livres, il y a un autre aspect qui attire l'attention dans le monastère de Khumjung : ce sont les couleurs. Si vous avez bien observé les photos précédentes, vous avez sans doute été impressionné par le nombre et le mélange des couleurs dans un lieu si restreint. En réalité, 5 d'entre elles sont très récurrentes car associées à une symbolique précise. Chacune est en effet associée à un élément de l'univers, à un point cardinal et à un bouddha.

    - Le bleu est associé au ciel et à la voûte céleste. Il représente aussi le Bouddha Vairochana qui occupe un position centrale parmi les cinq bouddhas.

    - Le blanc est le symbole de l'air et des nuages. Il est utilisé pour l’Est et le Bouddha Vajrasattva.

    - Le rouge est associé au feu. Il représente aussi l'Ouest et le Bouddha Amitabha.

    - Le vert évoque l'eau. Il symbolise le Nord et le Bouddha Amoghasiddhi.

    - Le jaune enfin symbolise la terre ainsi que Padmasambhava, le Bouddha du Sud.

    Ces cinq couleurs se retrouvent sur de nombreuses tentures y compris sur les murs extérieurs du monastère, sur les drapeaux à prières et jusqu'aux livres sacrés eux-mêmes.

     

    Enfin, le monastère est connu pour abriter un "objet" un peu particulier : un scalp de yéti ! Non non, je ne me suis pas trompé. Si vous ne me croyez pas, faites des recherches sur Internet ou dans les guides de voyage. N'allez pas me demander en revanche la raison de sa présence car je n'en sais rien. Belle légende en tout cas...

    Je m'arrêterai ici en ce qui concerne la description de ce monastère. Un dernier petit exercice nous attend à la sortie du gompa si vous avez bien tout suivi : tourner les quelques moulins à prières.

     Une façade du gompa de Khumjung abritant de nombreux moulins à prière

     12h10 : Nous regagnons à pied le restaurant où nous avons laissé nos sacs tout à l'heure. Le chemin est le même qu'à l'aller. Nous y déjeunons rapidement afin de bénéficier d'un peu de temps libre. Il nous reste en effet un dernier monument à aller voir à Khumjung : la Hillary High School.

    La Hillary High School est un établissement scolaire construit à l'initiative et grâce au financement du néo-zélandais Sir Edmund Hillary, un des deux conquérants de l'Everest en mai 1953. L'établissement est situé sur une place toute proche du restaurant et que nous avons déjà traversée ce matin en arrivant à Khumjung. Plus qu'une place, il s'agit en fait d'un vaste espace en terre battue avec quelques herbes très courtes ici ou là. On pourrait aussi l'assimiler à une espèce de terrain de foot très aride.

    Le portail d'entrée de l'école se dresse à l'opposé de cette esplanade, à l'opposé du village également. Il est encadré par deux murs maçonnés qui tranchent avec les autres murs de pierres du village plus artisanaux, plus traditionnels.

    Portail d'entrée de la Khumjung High School construite à l'initiative de Sir Edmund Hillary 

    Derrière le portail, s'élèvent de hauts bâtiments en pierres de taille qui semblent en construction ou tout du moins en réfection. Nous pénétrons dans l'enceinte et tombons sur la statue d'Hillary.

     Buste de Sir Edmund Hillary, fondateur de la Khumjung High School

    Non loin de là, quelques enfants sont en train de jouer dans la cour de l'école. Ils ne sont pas nombreux car ce sont les vacances scolaires en ce moment.

     Jeunes enfants en train de jouer dans la cour de la Khumjung High School

    13h : Nous ressortons de l'école par une porte secondaire attenante à la cour de récréation et débouchons sur une voie d'entrée dans Khumjung. Au milieu de celle-ci, s'élève un très long mur mani composé d'un soubassement et de deux rangées de stèles en pierre. La vue sur le Khumjung Chamga est assez bien dégagée. Nous longeons le mur du côté gauche en direction de la ville pour admirer de plus près cette oeuvre.

    Un mur mani à l'une des entrée de Khumjung et vue sur le village    Détails d'un mur mani à l'une des entrée de Khumjung

    Le mur mani débouche après une bonne centaine de mètres sur deux stupas entourés de moulins et de drapeaux à prières. Etant déjà à gauche du monument et nous rendant pile en face de là où nous sommes, nous n'avons qu'à actionner les moulins d'un seul côté.

    Deux stupas entourés de moulins à prière et un mur mani à une entrée de Khumjung

    Nous retournons une dernière fois au restaurant récupérer nos affaires et retrouver nos guides et le reste de l'équipe. Direction Khunde à présent !

    13h20 : Nous longeons un nouveau mur mani et un stupa à la sortie du village de Khumjung. Le village de Khunde n'est vraiment pas loin, juste devant nos yeux. Il nous faudra à peine 20 minutes de marche pour y accéder. A notre droite, nous remarquons un ancien éboulement de pierres ... enfin de rochers.

    Un stupa et un mur mani sur le chemin entre Khumjung et Khunde

    Nous traversons le village de part en part pour rejoindre directement le monument qui fait la "renommée" de cette bourgade située à 3 840m d'altitude : son hôpital. L'architecture des bâtiments semble assez proche de celle du village voisin de Khumjung. Le paysage est par contre légèrement différent parce que le couvert forestier est un peu plus dense.

    Habitations dans le village de Khunde

    13h40 : Nous atteignons le Khunde Hospital qui est connu à double titre dans la région. D'une part, parce qu'il a été fondé par Sir Hillary à l'instar de la Hillary High School de Khumjung. D'autre part, parce qu'il est l'un des seuls hôpitaux du Haut Khumbu. Revenons rapidement sur ces deux points.

    A travers les deux sites visités aujourd'hui, nous voyons d'abord transparaître l'humanisme d'un homme d'exception : Sir Edmund Hillary. Celui-ci a été l'un des deux premiers hommes à atteindre le toit du monde le 29 mai 1953, conjointement avec son compagnon d'aventure le sherpa népalais Tensing Norgay. Il ne s'est pourtant pas contenté de rentrer chez lui savourer son exploit. Il s'est au contraire investi en faveur du peuple sherpa en participant à la construction d'une école à Khumjung et d'un hôpital "moderne" à Khunde. Il a ainsi permis aux enfants de cette région isolée de pouvoir accéder au savoir et étudier dans des conditions satisfaisantes. Il a aussi permis aux habitants (et aux touristes/alpinistes) de bénéficier d'un poste de soins avancé là où il n'y avait qu'un désert médical.

    Pendant longtemps en effet, l'hôpital de Khunde était le seul de sa région digne de ce nom. Les habitants de Namche Bazar devaient par exemple marcher deux bonnes heures pour pouvoir s'y rendre. Ce n'est qu'en 2007 qu'un nouvel hopital a ouvert ses portes dans l'actuelle capitale du pays sherpa. Aujourd'hui les deux établissements coexistent sans se menacer.

    Le Khunde Hospital est très bien équipé sur le plan matériel. Il est possible entre autre d'y passer une radiographie ou de faire des analyses de sang, de soigner une fracture ou une maladie courante, de recevoir les premiers soins en cas d'urgence, ...

    Le Khunde Hospital construit par Sir Edmund Hillary    Le Khunde Hospital construit par Sir Edmund Hillary

    Un médecin apparait et nous propose de visiter rapidement la clinique (c'est-à-dire la salle de consultation). Nous acceptons et engageons la conversation avec lui en anglais. Il nous apprend que deux docteurs népalais et une infirmière officient dans cet établissement de 30 lits. Il n'y a cependant que 15 lits pour les malades, les 15 autres étant réservés à leurs accompagnateurs. Pourquoi une telle répartition ? Tout simplement parce que chaque malade vient avec un membre de sa famille qui doit s'occuper de lui en dehors des soins, pour les repas notamment. En contrepartie , les soins sont gratuits pour les habitants des environs mais ils coûtent 50$ US pour les touristes. Normal non ? Très belle idée en tout cas.

    14h : Nous quittons l'hôpital et Khunde pour regagner Namche Bazar. Nous descendons dans la partie basse du village, puis passons à gauche et longeons un long mur mani qui part à l'ascension d'une colline. Il est interrompu en son milieu par un stupa relié à quatre mâts par des drapeaux à prières.

    Une des entrées dans le village de Khunde et vue sur le village    Vue sur le village de Khunde, un stupa et un mur mani au pied du Gongla Danda

    Au bout du mur mani, nous dépassons sur notre droite une porte d'entrée dans Khunde.

    Une des portes d'entrée de Khunde

    Nous poursuivons par une volée de marches qui rejoint le haut de la colline. Le sommet est matérialisé par des chortens, d'autres drapeaux à prières et des écharpes en tissus remises dans les temples.

    Chortens au sommet d'une colline surplombant Khunde

    Un peu plus haut encore, c'est une énorme pierre mani avec des inscriptions sculptées que nous devons contourner par la gauche. Pas question de suivre la route en pierre (d'ailleurs difficilement carrossable), nous empruntons un tout petit sentier très étroit.

    Une des portes d'entrée de Khunde

    Nous continuons à monter en suivant le chemin de pierre et tombons nez à nez avec notre premier troupeau de jeunes yaks.

     Chemin séparant Khunde de Namche Bazar    Un troupeau de jeunes yaks

    Nous marchons encore quelques minutes et débouchons sur une vaste esplanade : il s'agit de l'aérodrome de Syangboche qui se trouve juste au-dessus de Namche. La piste est faite d'herbe rase et il n'y a aucun avion posé au sol. Rien ne laisse donc supposer la présence d'une telle infrastructure ici. Normal, la tentative de construction d'un aéroport à cet endroit a échoué. Les conditions d'atterrissage étaient trop difficiles et la plupart des passagers souffraient du mal d'altitude à leur arrivée. Seuls les hélicoptères de secours et de ravitaillements continuent de fréquenter l'endroit.

    Nous dépassons un lodge qui se trouve en bout de piste, et prenons la direction d'un petit chorten un peu plus loin. La vue s'annonce superbe sur les montagnes des environs de Namche Bazar.

    Nupla (5885m), Shar (Tartikha 6186m) et Kongde Ri (6086m) derrière un chorten surplombant Namche-Bazar   Des iris

    Peu après, la descente sur Namche commence avec une vue plongeante sur la ville. Il nous aura fallu 1h30 pour rallier Khunde à la capitale sherpa.

    Vue plongeante sur Namche Bazar (3440m) et la vallée de la Dudh Koshi Nadi

    Le prochain article sera consacré à la superbe randonnée entre Namche Bazar et Phortse, un nouveau village sherpa authentique situé à 3800m d'altitude. Au programme : des panoramas incroyables sur les sommets himalayiens, de nouvelles rencontres et de nouvelles découvertes.


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